• Censure et cinéma dans la France des Trente Glorieuses, par Frédéric Hervé

    Censure et cinéma dans la France des Trente Glorieuses 

    Frédéric Hervé

    Paris, Nouveau Monde éditions, mars 2015
    collection "Document histoire"
    540 pages


    prix : 25€

    ISBN-10 2-36942-040-5
    ISBN-13 978-2-36942-040-8
    GTIN13 (EAN13) 9782369420408
     
    Entre 1945 et 1975, presque 3 000 longs-métrages furent interdits aux mineurs. Cette étude met en lumière la réalité de la censure en combinant trois approches complémentaires : l'analyse des réquisitoires des censeurs et celle des plaidoyers des auteurs, l’analyse statistique et, enfin, l’analyse filmique des œuvres elles-mêmes. L’histoire de la Commission de contrôle des films est ici retracée, depuis la Libération jusqu’à la proclamation de la fin de la censure par Valéry Giscard d’Estaing suivie de l’instauration du classement X, en passant par la sévère réforme mise en œuvre en 1961 par les gaullistes. À cette époque, les jeunes, plus nombreux, changent. Et l’inquiétude qu’ils suscitent croît. Confrontés aux rigueurs de la censure, les cinéastes élaborent des ripostes originales, protéiformes et, parfois, efficaces. Jusqu’au milieu des années 1960, la transgression n’était le fait que de francs-tireurs. Par la suite, elle est devenue la réponse industrielle de la profession à la baisse de la fréquentation pour, finalement, se dissoudre dans la banalisation. Sexualité, violence, politique, questions sociétales : ce livre balaie l’ensemble des représentations, coproduites par les censeurs et les cinéastes, dont s’est nourrie la jeunesse des Trente Glorieuses. 

    Extraits du livre et… en fin de notice, écoutez l'auteur dans l'émission de Frédéric Taddéi diffusée sur Europe 1 le 18 mai 2015 en direct de Cannes

    Une activité censoriale parmi d’autres : la coupure

    Les ciseaux sont indissociables de la figure d’Anastasie. Pourtant, l’action de la censure peut se traduire par des coupures mais aussi par des modifications stricto sensu. Un repentir, au sens où l’entendent les peintres, peut affecter la bande-son tout autant que l’image. On peut citer Je suis curieuse (Sjoman, 1967). La censure ordonne de couper l’image d’un pubis féminin mais, pour garder la séquence, le distributeur effectue « un truquage qui, par agrandissement photographique, permet de cadrer cette femme complètement nue uniquement jusqu’à la taille ». Enfin, la modification peut être un ajout.

    Censure et cinéma dans la France des Trente Glorieuses, par Frédéric Hervé

    Pour obtenir la levée d’un seuil d’âge, le producteur de Douce violence (Pécas, 1961) fait procéder à la coupure d’une scène frivole (ci-dessus) mais aussi au « tournage d’une séquence supplémentaire finissant par un mariage à l’Eglise » (ci-dessous).

    Censure et cinéma dans la France des Trente Glorieuses, par Frédéric Hervé

    Ces coupures, ajouts et modifications peuvent découler de trois processus différents. Premier cas de figure, la coupure est imposée. On fait, par exemple, disparaître l’une des protagonistes d’une scène d’amour à trois dans Désirella (Dagge, 1969). Le producteur s’exécute en protestant. Deuxième cas de figure : la coupure est proposée par l’ayant droit pour obtenir la levée d’une restriction plus grave. Les censeurs peuvent refuser ces coupures offertes comme dans le cas de Pas de printemps pour Marnie. (Hitchcock, 1963). Troisième cas de figure : la coupure suggérée. La commission prononce une restriction en la justifiant par une scène précise. Le producteur est alors libre de saisir la paire de ciseaux qui lui est tendue. La censure peut d’ailleurs aller jusqu’à présenter la coupure comme optionnelle. Ainsi, le distributeur de Haine pour haine (Paolella, 1968) doit choisir entre le seuil à 13 ans ou bien l’allègement d’un règlement de comptes, du passage à tabac du héros et d’une flagellation. Il opte pour le seuil d’âge plutôt que d’affadir son western spaghetti.

     

    Censure et cinéma dans la France des Trente Glorieuses, par Frédéric Hervé<= Part des films concernés par un motif de censure.

     

     

    A la Libération, près de la moitié des restrictions prononcées par la censure ne sont pas motivées. Jouissant d’un pouvoir discrétionnaire, le censeur n’est pas tenu de s’expliquer auprès du producteur et du réalisateur qui, pourtant, implorent de comprendre ce qui leur est reproché. Par la suite, les censeurs sont devenus plus prolixes, d’autant qu’ils avaient de plus en plus de mal à se faire entendre. Au total, les 543 dossiers étudiés ont fait apparaître dix-huit motifs de censure qui dessinent la jurisprudence censoriale. Ils peuvent être regroupées en quatre catégories : la politique (subversion, guerre, diplomatie, uniformes) concerne 11 % des films de l’échantillon, la violence (gangsters, méfaits, sadisme, terreur) renvoie à 34 % des dossiers, les questions sociétales (drogue, psychisme, mœurs, famille, jeunes) touchent 18 % des œuvres et la sexualité (femmes, prostitution, homosexualité, érotisme, pornographie) apparaît dans 37 % des avis.

     

    écouter l'émission de Frédéric Tadéi du 18 mai 2015 au festival de cannes
    • invité Frédéric Hervé (à partir de 1.07.53…
     
    « La collaboration, par Denis Peschanski et Thomas FontaineLa caricature... et si c'était sérieux ?, Pascal Ory, Bertrand Tillier, Emmanuel Pierrat et alii »

    Tags Tags : , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :