• Les Anarchistes, dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone, Maitron

    LES ANARCHISTES  Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone

    Les Anarchistes, dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone, Maitron

    Les Anarchistes ont enfin leur premier dictionnaire biographique ! Un document monumental, essentiel, pour connaître le mouvement anarchiste et célébrer un siècle et demi de lutte en redonnant leur place aux principaux acteurs du mouvement libertaire : les militantes et les militants, ceci dans toutes leurs diversités. Cinq cents biographies comme autant d’itinéraires pour témoigner des différentes périodes, milieux et formes de l’engagement libertaire.

    Ces vies exigeantes, intenses, « joyeuses » disait Léo Ferré, parfois tragiques : les plus célèbres (Proudhon, Louise Michel) y côtoient des parcours plus modestes ; artistes et chanteurs (Pissarro, Ferré, Brassens, Cross) se mêlent aux théoriciens (Jean Grave, Sébastien Faure) ; illégalistes et propagandistes (Bonnot, Ravachol) cohabitent avec les figures fondatrices du syndicalisme révolutionnaire (Fernand Pelloutier, Pierre Monatte).

     


    L’équipe des rédacteurs a souhaité dépasser les frontières hexagonales en intégrant les biographies de militants suisses, belges, québécois, de ceux partis pour les Etats-Unis ou de militants dont l’impact ou le rôle en France furent très importants (Bakounine, Max Nettlau).


    Un long chantier….
    Ce travail fut un long chantier, entamé en 2006. En 2014, à sa parution le 1er mai, il constitue le dernier volume du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social (Maitron), le plus grand dictionnaire français. Initié par Jean Maitron (1910-1987, pionnier de l’histoire ouvrière et introducteur de l’histoire de l’anarchisme à l’université), le Maitron est actuellement dirigé par Claude Pennetier (chercheur au CNRS), qui est à l’initiative avec Hugues Lenoir (producteur sur Radio libertaire) de ce dictionnaire des anarchistes. Le chantier a été piloté par une équipe mixte, composée de militants libertaires volontaires et d’historiens, correspondants du Maitron, qui ont assuré la coordination du projet, la collecte, le choix et la relecture des biographies. Une soixante d'entre-elles sont illustrées et ont été retenues pour le dictionnaire papier, avec le souci de respecter la diversité du mouvement libertaire.


    Supplément numérique 
    Ces 500 itinéraires de militant-e-s publiés dans la version papier sont accompagnés de plus de 3.200 autres dans la base informatique du Maitron, consultable sur le site Maitron-en-ligne, auquel les acheteurs et souscripteurs du Dictionnaire des Anarchistes ont accès.

    Auteurs (et animateurs de ce vaste chantier) :
    Marianne Enckell,
    Rolf Dupuy, Hugues Lenoir, Anthony Lorry, Claude Pennetier et Anne Steiner, avec une quarantaine de rédacteurs.

    Présenté par Hugues Lenoir (Radio libertaire) et Claude Pennetier (directeur du Maitron), le dictionnaire est précédé d’une introduction chronologique commentée des origines à nos jours par Marianne Enckell, responsable du Centre international de recherches sur l’anarchisme (CIRA) de Lausanne.

      En librairie dès le 1er Mai 2014


     Quelques petites présentations vidéo de militant-e-s dont la biographie est à lire dans le dictionnaire :

     
    Thérèse Taugourdeau : biographie d'une militante anarchiste, Thérèse Taugourdeau. Animatrice du "Comité féminin" qui fut un des premiers regroupements politiques de femmes (syndicalistes, anarchistes, etc.). le comité féminin forma des oratrices, à une époque où les femmes prenaient extrêmement rarement la parole dans les meetings...

    Production vidéo : Centre d'Histoire sociale (CNRS/Université Paris1)
    Réalisation vidéo : Jeanne Menjoulet

    Couturières ("midinettes") en grève en mai 1917 devant la maison des syndicats, 33 rue de la grange aux bellesThérèse Taugoudreau figurait-elle sur cette  photographie de 1917 montrant des couturières (="des midinettes") en grève, devant la maison des syndicats, à Paris, au 33 rue de la Grange aux Belles ? (cliquer sur la photo pour agrandir)
     source photo : Gallica

    Voir dans le Maitron des anarchistes la biographie complète de Thérèse Taugourdeau, la couturière qui écrivait dans le Libertaire du 16 mars 1912 « Féminisons les hommes » :
    « Elle fut ensuite la première secrétaire du Comité féminin contre la loi Berry-Millerand, les bagnesOrganisation meeting Pré-Saint Gervais, 12 juillet 1913, cliquer pour agrandir militaires et toutes les iniquités sociales, formé en septembre 1912 à l’initiative du syndicat parisien des couturières. Le comité tint ses premières réunions à la Bourse du travail de Paris, pendant la permanence du syndicat des couturières. Il se réunit ensuite à la Maison des syndiqués du XVIIe arrondissement, au 67 rue Pouchet. »
    Thérèse Taugourdeau fut très présente dans la succession de grands meetings en 1913 au Pré-Saint-Gervais "contre les 3 ans" de service militaire.
    25 mai 1913, manifestation du Pré-Saint-Gervais contre les trois ans, tribune féminine (cliquer pour agrandir)

     

     

     

     

     

     

     

     

     


     

    Ludovic Ménard. Petite biographie de ce militant anarchiste, anarcho-syndicaliste, fondateur de la fédération des ardoisiers (ouvriers des carrières d'ardoises). L'histoire de Ludovic Ménard est très liée au lieu où il a toujours milité, Trélazé, à proximité d'Angers; sa biographie nous permet aussi de découvrir le monde des ardoisiers qui travaillaient pas milliers dans les carrières de la région. La vie de Ludovic Ménard fait aussi partie de l'histoire du syndicalisme en France, de l'anarcho-syndicalisme. Et nous croisons aux détours de sa vie des figures importantes du mouvement, comme Joseph Tortelier ou Benoit Broutchoux, mais aussi Sébastien Faure...
    Production vidéo : Centre d'Histoire sociale (CNRS/Université Paris1). Réalisation vidéo : Jeanne Menjoulet.    Nombre de photographies illustrant ce film-vidéo sont à voir sur le site :
    http://revolutionnairesangevins.wordpress.com/
    Petite remarque de laurent beaumont : la Maraîchère (école et surtout salle de réunion pour les mouvement ouvrier) n'est en aucun cas une coopérative ; la coopérative comme montré sur la photo dans la vidéo est La Coopérative de l'Avenir du Prolétariat qui sert également de lieu d'accueil tant pour les jeunesses syndicalistes et les pupilles de la coop. L'objectif est de faire pièce en montant une contre-société ouvrière à la bourgeoisie et aux cathos. cordialement

    Crimes de Dieu et violences cléricales : A propos de Sébastien Faure, une coupure de presse de La Lanterne (décembre 1896) fait le récit de l'une de ses conférences, à Angers :

    UNE CONFÉRENCE MOUVEMENTÉE (De notre correspondant particulier)

    Angers, 10 décembre 1896 — La conférence que Sébastien Faure a faite hier soir, au Cirque-Théâtre, sur les «Crimes de Dieu», s’est terminée par une bagarre indescriptible.

    A peine l’orateur a-t-il commencé le développement de ses théories que les élèves de la faculté catholique se mettent à siffler et à pousser des cris d’animaux.

    M. Delahaye-Bougère, manufacturier, siffla avec un tel acharnement que les spectateurs le poussent vers la scène; mais des cris : « A la porte! à la porte! » le forcent à reprendre son fauteuil d’orchestre, d’où il continue sa protestation, criant au conférencier : « Vous êtes un farceur, un menteur, un sot et un imbécile! ». Le conférencier, exaspéré, saute de la scène, dans l'orchestre et saisissant M. Delahaye-Bougère par le collet, le secoue en lui disant : « Je vous défends de m’appeler menteur, je ne suis pas plus menteur que vous. » Une bagarre générale s'engage, si bien que, sur la réquisition du commissaire de police, la séance est levée.
    Les blessés sont nombreux; un ancien capitaine, M. Duchemin, a reçu un coup de coup-de-poing américain qui lui a fait une blessure au front; l’anarchiste Ludovic Menard et une femme frappée à coups de canne sont contusionnés. Quant à M. Delahaye-Bougère, il a été sérieusement maltraité.
    Ajoutons que M. Delahaye-Bougère est le frère de M. Jules Delahaye, le clérical bien connu.


     Présentation du corpus des anarchistes francophones ayant rejoint l'Espagne en révolution, en 1936. Enregistré lors d'une émission de radio libertaire "hors les murs", le 22 mars 2014, quelques figures de militants anarchistes sont retracées, comme Charles Ridel ou Ferdinand Fortin.  Production vidéo : Centre d'Histoire sociale (CNRS/Université Paris1). Réalisation vidéo : Jeanne Menjoulet

    Les images filmées de l'Espagne à cette époque illustrant cette vidéo sont librement accessibles sur archive.org, il s'agit de "l'enterrement de Durruti" (1936, images de Durruti sur le front d'Aragon), ainsi que des films de la CNT-FAI "Ayuda Madrid" (1936) et "Barcelona July 19th 1936".


     

     

     Dans le cadre de la sortie du volume du Maitron (dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, mouvement social) consacré aux anarchistes, durant une émission hors-les-murs de radio libertaire, animée par Hugues Lenoir, Anne Steiner présente le corpus des anarchistes individualistes, et dépeint quelques figures de ce mouvement, liées au journal l'anarchie : Anna Mahé, qui co-fonda le journal avec Albert Libertad, Rirette Maitrejean, qui fut mêlée à l'affaire des bandits tragiques (bande à Bonnot). Affaire dont il est aussi question dans cette présentation, par le biais de Victor Serge.
    Production vidéo : Centre d'Histoire sociale (CNRS/Université Paris1). Réalisation vidéo : Jeanne Menjoulet

    Victor Serge, au centre

     

     

     

    Victor Serge, 2ème à partir de droite

     Cliquer sur la photo pour l'agrandir

     

     

     

     


    "Les anarchistes", le dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone, chroniqué par Philippe Meyer sur France Culture, le 19 mai 2014 : 

     


    En cette année de centenaire de 1914, l'engagement antimilitariste des anarchistes et leur opposition constante à la préparation de la guerre est à souligner... et voici comment Le petit parisien du 9 octobre 1905 présentait à ses lecteurs une manifestation anarchiste à laquelle participait notamment Anna Mahé (qui fut arrêtée), à la gare de l'est à Paris :

     

    Propagande antimilitariste - LE DEPART DES CONSCRITS
    Octobre 1905, Paris gare de l'est, manifestation antimilitariste au départ des conscritsLe gouvernement est résolu à réprimer avec la plus grande énergie la propagande
    anarchiste qui provoque les soldats à la désobéissance envers les chefs et à la désertion, pour ne pas dire pis.
    Nous avons dit hier que le ministre de l'intérieur avait envoyé aux préfets l'ordre de faire lacérer les affiches et de faire intenter des poursuites chaque fois que l'occasion s'en présenterait, tant aux signataires qu'aux imprimeurs de ces affiches et à ceux qui les placarderaient D'autre part, M. Chaumié, ministre de la Justice et garde des Sceaux, avait adressé la circulaire suivante aux procureurs généraux :

    "A la suite d'un manifeste adressé par l'Association internationale antimilitariste des travailleurs, Octobre 1905, Paris gare de l'est, manifestation antimilitariste au départ des conscritscontenant un appel aux conscrits les invitant à l’indiscipline et au refus de leurs devoirs militaires, et d'un appel adressé dans les mêmes circonstances aux familles des conscrits, les invitant à ne pas laisser partir ceux-ci sans protester, des manifestations peuvent se produire demain soir aux abords des gares ou des casernes. Je vous prie de vous entendre avec les autorités administratives pour empêcher toute manifestation antimilitariste et engager des poursuites pour tous faits délictueux commis à cette occasion." Chaumié.

    Comme on le verra plus loin, ces ordres ont été exécutés sur tous les points du territoire.

    Une Circulaire de M. Lépine
    De son côté, le préfet de police a adressé la circulaire suivante aux commissaires de Paris, de la banlieue et aux officiers de paix :

    octobre 1905 manifestation antimilitariste gare de l'est"Des affiches antimilitaristes, excitant les jeunes conscrits à désobéir à leurs chefs et à ne pas accomplir leurs devoirs militaires, ont été apposées dans certains quartiers à l’occasion du départ de la classe.
    Je vous invite à les supprimer et je vous rapel!e que les éditeurs, auteurs, imprimeurs, vendeurs, distributeurs ou afficheurs des dits placards tombent sous l'application de l'article 25 du 29 juillet 1881, modifié par la loi du 12 décembre 1893.
    Au cas où de semblables placards seraient encore mis en vente, distribués ou apposés dans votre circonscription, veuillez les saisir immédiatement et dresser procès-verbal contre les auteurs de l'impression.
    Vous lacérerez les placards qui auront été ou seront apposés, et vous procéderez à l'arrestation des personnes surprises en flagrant délit.
    Prenez également toutes dispositions d’ordre nécessaires pour empêcher, dans les gares ou lieux de rassemblement, les manifestations antimilitaristes au départ des conscrits."
    LEPINE.

    Le Désaveu de M. Tailhade
    Il apparaît d’ores et déjà que les auteurs de l'affiche bleue dont nous parlions hier, et qui était adressée aux conscrits, ont abusé de certaines signatures. C’est ainsi que M. Laurent Tailhade, dont le nom se trouvait sous ce factum, proteste véhémentement : « Je lis avec stupeur, dit- il, mon nom au bas d'une affiche antimilitariste dont je n’approuve ni le fond ni la forme. ». Il a donné sa démission de membre du groupe antimilitariste. Dans la lettre qu’il envoie à ce sujet au président de ce groupe. il déclare « qu'il n'a pas le moindre goût pour faire la figure d’un sot ». C’est par un malentendu fort déplaisant que j’ai signé votre placard, ajoute-t-il. Avant que d’engager mon nom dans une affaire aussi peu élégante, vous auriez pu, semble-t-il, m’en informer par une démarche plus directe que l’envoi d’une circulaire identique aux imprimes que l’on reçoit par douzaines chaque matin. Dans un Appel aux conscrits promené à travers les lieux où l’on discourt, universités populaires, salles de conférences, etc., j’ai, pendant trois automnes, dit exactement le contraire des paroles que vous m’avez fait signer malgré moi. L'horreur du sang versé dans les massacres internationaux, l’exécration de la guerre que j'ai apprises de Tolstoï et de Reclus, mon maître bien-aimé, impliquent la haine du meurtre, quelle qu’en soit la victime. Je rougis que l’on me puisse croire assez criminel ou assez bête pour inviter les conscrits à l’assassinat de leurs chefs. M. Laurent Tailhade ajoute : Vous m’associez à une manifestation que je réprouve, sans que j'aie aucunement sollicité cet honneur. Je proteste, ce dont il serait naïf de me montrer surpris. J'ignore si — pour parler comme Azede — les libres penseurs « me feront faire mes Pâques», mais je ne serais pas autrement ébahi d'être amené par les grossières, les vaines fureurs antimilitaristes, à quelque retour vers ceux qu’ils accablent de menaces et d’outrages pour tout moyen de persuasion.

    octobre 1905 manifestation antimilitariste gare de l'estLes Recrues rejoignent leurs Corps
    Hier ont été mis en route les dispensés des classes 1904 et 1903 et les ajournés de 1902.
    C'est, naturellement, à la gare de l’Est que régnait la plus grande animation. Afin d'éviter la cohue, l'entrée principale et la salle des pas-perdus avaient été rigoureusement interdites au public. Seuls les conscrits y avaient accès. Dès qu'ils avaient présenté au guichet leur feuille de route, ils consultaient d'immenses pancartes sur lesquelles on lisait en lettres énormes le nom des principales villes de garnison : Châlons, Toul, Nancy, Bar-le-Duc, etc., et auprès desquelles se tenaient des sous-officiers d'infanterie, ainsi que des soldats, l’arme au pied.
    Les jeunes gens se plaçaient alors dans des barrières aboutissant aux quais, le long desquels étaient rangés les trains spéciaux composes de nombreux wagons de troisième classe et de quelques voitures de seconde.
    A partir de ce moment les jeunes gens appartenaient complètement à l’autorité militaire.
    Hier matin, trois convois quittèrent la gare de l'Est à 9 h. 5, 10 h. 20 et 12 h. 34, à destination de Nancy, emmenant 1.590 appelés. L'après-midi trois mille hommes environ furent dirigés sur Châlons et les autres garnisons.
    La cour de la gare de l’Est offrait un spectacle des plus pittoresques. C'était là qu avaient lieu les adieux. Nombreux étaient en effet les parents qui avaient tenu à accompagner leur «petiot». Ne pouvant cacher leur émotion, les mamans pleuraient abondamment et couvraient de caresses l'enfant chéri qui allait payer sa dette à la patrie. Et les recommandations pleuvaient. A tout instant des tapissières, dans lesquelles avaient pris place des conscrits habitant la banlieue, pénétraient dans la cour de la gare. D'autres étaient venus à pied, accompagnés de musiciens et de tambours...
    La Soirée
    Dans la soirée, en prévision des manifestations annoncées par les révolutionnaires, de formidables mesures d'ordre avaient été organisées tant à l’intérieur qu’aux abords de la gare.
    Le commissaire spécial avait été invité à mettre ses bureaux à la disposition de quatre commissaires de police de la ville de Paris : MM. Vaissières, commissaire de police du quartier de l’Hôpital-Saint-Louis ; Durand, commissaire de la Porte-Saint- Martin ; Monentheuil, commissaire de la Goutte-d'Or ; d'Homme, commissaire du quartier des Arts-et-Métiers.
    En outre, deux cents hommes d’infanterie, deux cents gardiens de la paix des brigades de réserve et un certain nombre d'agents des 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements avaient été mobilisés.
    Dans les rues de Strasbourg, du Faubourg Saint-Martin, sur le boulevard de Strasbourg, etc., cent gardes municipaux à pied et à cheval assuraient le service d'ordre.
    Comme toutes les manifestations annoncées à l’avance, celle d’hier soir a complètement échoué. Dès huit heures une centaine de jeunes gens, affiliés à la Ligue des Patriotes, ont parcouru les rues avoisinant la gare de l’Est en chantant des refrains patriotiques et criant : « Conspuez Hervé !... »
    Cependant, vers dix heures, un certain nombre de révolutionnaires, venus de Montmartre, sont arrivés devant la gare et ont tenté de franchir les barrages, une légère bagarre au cours de laquelle plusieurs arrestations ont été opérées, en est résultée.
    En outre, quelques individus, dont deux femmes, qui se trouvaient parmi la foule, ont été arrêtés pour cris séditieux.
    Amenés devant le commissaire de police, les manifestants ont subi immédiatement l’interrogatoire d’identité. Sur trente arrestations opérées, une vingtaine environ ont été maintenues.
    Dans les postes de police de la mairie du dixième arrondissement et du faubourg Saint-Denis, où ils avaient été transférés sous bonne escorte, les inculpés ont pris place ce matin dans la voilure cellulaire qui les a conduits au dépôt.
    Les deux femmes sont Mlle Anna Mahé, rédactrice au journal l'anarchie, et une étudiante russe, Mlle Falck. Cette dernière a été dirigée sur le dépôt sous la double inculpation de cris séditieux et d’infraction à la loi sur les étrangers. La plupart des hommes sont déjà connus de la préfecture de police. Ce sont : Georges Labarde, âgé de dix-huit ans, chaudronnier, 82, rue des Vignoles ; Joseph Carneau, vingt-quatre ans, cordonnier, 22, rue de Loos ; Prosper Leclou, vingt-six ans, camelot, 3, rue des Boulets ; Maurice Aussiet, dix-sept ans, tourneur, 65, rue Lecourbe ; Nestor Bosch, cinquante-quatre ans, 14, rue Delaitre ; Paul Martin, 20 ans, 51, rue Vilin ; Eu­gène Pley, vingt-deux ans, 98, boulevard de Charonne ; Léon François, dessinateur; Paul Normand ; Georges Godin. dix-sept ans, 2, rue du Roi-Doré ; Marcel Leboux, vingt-trois ans, garçon épicier, 91, rue de Pans, à Saint-Denis ; Paul Haviatte, trente-neuf ans, rétameur, 6, rue des Orteaux ; Char­les Touzet, trente-quatre ans, marchand de vins, 65, rue du Moulin-Vert ; Romain Alesandroff, dix-neuf ans, étudiant, sans domicile connu. L'anarchiste Libertad et sa maltresse, qui avaient été arrêtés, ont été remis en liberté.
    Un seul conscrit se trouvait parmi les manifestants. C'est un nommé Albert Liron, ferblantier, domicilié 96, rue de Rennes, Il a été remis immédiatement à l’autorité militaire.
    Durant toute la soirée, MM. Lépine, préfet de police ; Touny, directeur de la police municipale ; Mouquin, chef du service des recherches, et les. commissaires divisionnaires sont restés sur les lieux.
    Vers neuf heures, une scène amusante s'est produite. Alors qu'aucun manifestant n’avait encore paru, des cris provenant dü boulevard Magenta, se firent entendre. Aussitôt, ordre fut donné aux gardes municipaux à cheval et aux agents des brigades de réserve de barrer la rue et le boulevard de Strasbourg. On vit alors apparaître une noce, en tête de laquelle marchait un sous-officier d’artillerie qui chantait à tue-tête : «Viens Poupoule !... ». Inutile de dire que cette pacifique... manifestation remporta un succès de fou rire.
    Le Ministre de la Guerre acclamé
    A 10 h. 52, M. Berteaux, qui revenait de Liverdun, en compagnie de son officier d’ordonnance, traversa le vaste hall de la gare de l’Est pour se rendre dans la cour d'Alsace, où se trouvait son coupé automobile.
    Reconnu par les conscrits qui attendaient le départ du train spécial de minuit quarante le ministre de la Guerre fut chaleureusement acclamé.
    A plusieurs reprises il salua les braves garçons dont il sera aujourd’hui le chef suprême.
    A la Gare du Nord
    A la gare du Nord, où le service d’ordre était également des plus rigoureux, un incident a eu lieu. Deux individus qui, dans la salle des Pas-Perdus, criaient, à pleins poumons : « A bas l'armée ! » ont été immédiatement appréhendés et conduits devant M. Coste, commissaire spécial adjoint. Interrogés, ils déclarèrent se nommer Alphonse Pannetier, âgé de vingt ans, garçon de laboratoire, et Lucien Francoquay, vingt ans également, ouvrier électricien. Tous deux étaient porteurs de placards anarchistes. Ils ont été dirigés sur le dépôt.
    Sur les Boulevards
    Afin d’assurer l'ordre sur les boulevards, un escadron de !a garde républicaine avait été consigné dans la cour de la mairie du neuvième arrondissement, rue Drouot, et devant le poste de police de la rue Thorel.
    Toute la soirée, quelques groupes de jeunes gens ont parcouru les boulevards en chantant I'Internationale.
    Quelques cris de « A bas le régiment ! Vive la liberté » se sont fait entendre, vite réprimés par les agents qui stationnaient à chaque coin de rue.
    Une dizaine d’arrestations pour refus de circuler ont été opérées, mais, après justification de leur identité, les individus arrêtés ont été remis en liberté.
    Après le passage du dernier groupe, qui, par les boulevards, la rue de la Chaussée d'Antin et la rue de Clichy, s'est dirigé vers Montmartre, les troupes consignées dans le centre ont rejoint leurs casernements à minuit.
    EN PROVINCE
    Conformément aux instructions transmises aux préfets et aux procureurs généraux par MM. Etienne et Chaumié, les affiches antimilitaristes ont été arrachées partout où on les avait apposées.
    Une perquisition a été opérée à Roubaix, dans le local ou se réunissent ordinairement les anarchistes roubaisiens, un estaminet situé dans le quartier du Pile, à l’enseigne « Au Palais du Travail ». C’est là que s’imprime une petite feuille anarchiste, publication intermittente. Différents placards et brochures antimilitaristes ont été saisis, ainsi qu’une affiche, qui n'était pas celle que la police recherchait.
    A Brest, on a perquisitionné chez un sieur Lucas et saisi trente-huit plaçais qu'il tenait du concierge de la Bourse du travail, M. Letrehuidic, ex-adjoint au maire de Brest.
    A Montluçon, une dizaine de perquisitions ont été opérées au domicile des anarchistes résidant dans cette ville, notamment chez les compagnons Louis Grandidier, rédacteur au Libertaire, et Auguste Dagois. Des brochures et des imprimés antimilitaristes et anarchistes ont été saisis. Au domicile de Dagois, on a trouvé une fiole pleine de picrate de potasse, qu’il aurait avoué être destinée à fabriquer des bombes à renversement. Grandidier et Dagois ont été arrêtés et mis à la disposition de M. Alheinc, procureur de la République.
    Enfin, nous recevons, de notre correspondant particulier de Chartres, la dépêche suivante :
    Chartres, 8 octobre.
    De nombreuses affiches de l'Association internationale antimilitariste étaient apposées, hier, sur les murs de notre ville. M. Fessard, maire de Chartres et sénateur d’Eure-et-Loir, fit placarder une proclamation patriotique invitant tous les propriétaires sur les murs desquels ces affiches étaient placées à les faire disparaître.
    Dans le courant de l’après-midi, toutes ces affiches furent recouvertes. Le parquet, agissant sur commission rogatoire du procureur général, procédait, chez diverses personnes soupçonnées de favoriser le mouvement antimilitarisle, à des perquisitions. Celles-ci ne donnèrent aucun résultat.
    Le soir, une représentation théâtrale et une conférence antimilitariste devaient avoir lieu, mais le propriétaire de la salle Saint-Brice s'y opposa au dernier moment, l'autorité militaire ayant menacé de consigner son établissement à la troupe. Les manifestants, pour la plupart des gamins de quinze à vingt ans, parcoururent, au nombre d'une cinquantaine, les rues de la ville en chantant l'internationale. Aucun incident ne se produisit grâce aux mesures de police qui avaient été prises.
    Un Incident en gare de Châlons
    Châlons-sur-Marne, 8 octobre.
    Un double incident s'est produit au passage en gare de Châlons-sur-Marne du train spécial, cet après-midi, à trois heures sept. Des groupes de conscrits chantèrent l'Internationale et plusieurs conscrits injurièrent l’officier et les hommes de garde.
    Le train fut arrêté en pleine marche, et les conscrits qui remplissaient un compartiment furent débarqués.
    Le train ayant repris sa marche et un autre conscrit ayant proféré des injures contre l'armée, l’officier de garde fit arrêter de nouveau le train et débarquer l’insulteur en pleine voie.
    Ces conscrits sont mis à la disposition de la place de Châlons-sur-Marne.

    Fin de l'article du Petit Parisien, 9 octobre 1905


     

    Le retour du pêcheur, 1896, par le peintre Henri-Edmond Cross

    Le retour du pêcheur, 1896, par le peintre Henri-Edmond Cross,
    dont la notice biographique figure au dictionnaire des anarchistes...

    « La guerre au XXe siècle, par Raphaëlle Branche, Sylvie Thénault et aliiEnfermements, justice et libertés »

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