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publication des livres des chercheurs du CHS, histoire sociale, histoire urbaine, histoire culturelle, guerre d'Algérie, CNRS, universite Paris1, "Centre d'histoire sociale"

Les galeries d'art contemporain à Paris - 2e édition

Les galeries d'art contemporain à Paris
Une histoire culturelle du marché de l'art, 1944-1970

Les galeries d'art contemporain à Paris - 2e éditionJulie Verlaine

Paris, Éditions de la Sorbonne
2e édition, avril 2019
588 pages, 121 figures,
XV planches couleurs

isbn : 979-10-351-0307-1  issn : 2105-5505  
prix : 25 €

Avant propos à la seconde édition

La réédition du présent ouvrage, issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2008 et publiée en 2012, au printemps 2019, répond à des raisons matérielles (un second tirage épuisé et une demande continue) et intellectuelles, et même historiographiques, liées aux bouleversements qu’a connus le champ de la recherche sur le marché de l’art au cours des dernières années.
Les sources disponibles, d’une part, ont augmenté de façon très importante, suite à des dépôts d’archives dans des centres publics ou privés, à la découverte et à l’ouverture d’archives familiales aux chercheurs, à la numérisation de collections d’imprimés, en particulier de périodiques. Les principales institutions culturelles conservant ces sources ont ainsi enrichi leurs fonds : l’Institut national d’histoire de l’art (archives Fabius et Loeb), l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (archives de la galerie Breteau) et la Bibliothèque Kandinsky du Musée national d’art moderne (archives des galeries Daniel Cordier et Jean Fournier, fonds Destribats sur les revues d’art d’avant-garde).
D’autre part, l’intérêt des chercheurs pour l’histoire du marché de l’art a grandi lui aussi, et il faut saluer l’aboutissement de travaux de recherches importants qui renouvellent le questionnaire et les perspectives dans ce domaine et confirment son statut d’objet partagé par plusieurs disciplines telles que l’histoire de l’art, l’économie, la sociologie, l’anthropologie et la géographie. De mon côté, j’ai approfondi certains éléments évoqués dans le présent ouvrage, en menant des études thématiques, notamment sur les liens entre l’État français et le marché de l’art, et sur l’histoire du Comité professionnel des galeries d’art. J’ai également procédé à quelques enquêtes monographiques sur des galeries (Daniel Templon, Daniel Cordier), des artistes (Serge Poliakoff, Hans Hartung) ou encore des collectionneurs, et en particulier des femmes collectionneuses et mécènes (Gertrude Stein, Helena Rubinstein, Jacqueline Delubac).
Le genre, défini comme l’ensemble des rapports sociaux de sexe, est en effet l’axe majeur de prolongement de ce travail. Il y a beaucoup à réfléchir sur les relations entre hommes et femmes dans le champ artistique en général, au sein du marché de l’art en particulier. La question de la « féminisation » – le plus grand nombre, ou la plus grande visibilité, des actrices au sein des intermédiaires marchands ou critiques, mais aussi parmi les créatrices – est au cœur de plusieurs projets, achevés ou en cours, collectifs et individuels, menés sur les galeristes, les collectionneuses et les femmes d’artistes : les promesses sur la valeur heuristique du genre, comme l’une des clés d’interrogation du monde de l’art, sont tenues.
Je me félicite plus largement du développement des art market studies, dénomination très en vogue actuellement dans les pays anglo-saxons, qui signale le dynamisme des échanges et des collaborations interdisciplinaires dans l’étude du marché de l’art. Juristes et économistes, historiens et historiens d’art, sociologues et anthropologues, géographes et urbanistes, trouvent à échanger sur cet objet qui devient le support d’une discussion épistémologique et méthodologique très féconde. Il semble stratégique aujourd’hui que parmi l’ensemble des acteurs qui s’y intéressent, les chercheurs professionnels, universitaires ou non, fassent valoir leurs précieuses compétences en matière de renouvellement des connaissances et des approches.
Car l’intérêt pour le marché de l’art, ses acteurs et son histoire, se manifeste bien plus largement. Les musées, en particulier, s’emparent de ces questions et proposent des expositions ou des accrochages en lien avec le commerce, la circulation, la monétisation de l’art, produisant à cette occasion un discours différent, complémentaire de celui des chercheurs. Saluons l’initiative du Musée national d’art moderne qui pour 2019-2020, puis 2021-2022, a choisi de mettre en place un parcours, au sein des collections historiques et contemporaines, centré autour des galeries et des marchands d’art qui ont, les premiers, exposé et fait connaître les œuvres entrées plus tard dans le patrimoine national et aujourd’hui considérées comme des chefs-d’œuvre de l’art du xxe siècle.
Dans cette perspective, le présent ouvrage apporte un cadre historique général aux phénomènes évoqués ici par une monographie, là par des accrochages ponctuels. Il entend proposer une histoire culturelle des intermédiaires artistiques que sont les directeurs et directrices de galerie d’art, dans le Paris de l’après-Seconde Guerre mondiale. L’étude considère que l’action d’une galerie est loin de se restreindre aux transactions économiques, mais influence aussi la création individuelle, la constitution de groupes artistiques, et qu’elle a une importance croissante à cette époque sur le goût des collectionneurs privés comme sur celui des institutions publiques. J’ai placé les marchands d’art au cœur d’un écosystème complexe, où ils sont en relation avec les artistes, les critiques, les collectionneurs et les conservateurs de musées, et où leur activité ne s’examine qu’en regard avec cette chaîne d’acteurs et en lien avec la construction de réputation (pour les artistes) et de notoriété (pour les œuvres), donc de valeur.
De même, si cette histoire place au centre la ville de Paris, c’est pour mieux montrer à quel point œuvres et individus circulent dans un monde de l’art très internationalisé, et comment se structurent et évoluent dominations et rivalités, crises et attaques, enfermements et exclusions. Entre 1944 et 1970, Paris offre à l’historien·ne un cas d’étude particulièrement riche mêlant larges circulations, prétentions à la prescription, humiliations et remises en cause. Les phénomènes étudiés présentent en outre une forte résonance avec l’actualité de notre xxie siècle, qu’ils vont peut-être nous aider à mieux comprendre.

Paris, printemps 2019

Lieux d’exposition des œuvres d’art, lieux de rencontre entre artistes et amateurs, lieux de transactions économiques et de reconnaissance symbolique, les galeries sont au cœur du circuit de l’art contemporain, de l’atelier de l’artiste aux salons des collectionneurs et aux cimaises des musées. Faire leur histoire, c’est comprendre comment se construit la valeur artistique, comment les artistes bâtissent leur carrière, comment l’art se diffuse dans la société française. 1944 : les marchands parisiens reconstruisent le premier foyer de création artistique mondiale. 1970 : la foire de Bâle sonne le glas de l’hégémonie parisienne, au profit de New York. Pourtant, pendant un quart de siècle, les galeristes défendent pied à pied leurs visions de l’art : certains se passionnent pour des inconnus, qu’ils révèlent au public ; d’autres militent au côté des avant-gardes ; d’autres encore accompagnent leurs artistes vers la consécration. Toutes et tous impriment leur marque dans l’histoire de l’art.

Fondé sur des archives inédites et une abondante documentation, cet ouvrage propose une histoire sociale et culturelle du marché de l’art parisien pendant les Trente Glorieuses. Les marchands se muent en galeristes : prospecteurs, agents, impresarios, ils se rendent indispensables aux artistes, aux critiques et aux collectionneurs.
Adoptant le point de vue de Paris, ce livre met en évidence l’intensification et la diversification des échanges et des circulations entre des métropoles concurrentes. Il constitue un indispensable complément à l’étude des œuvres et des artistes, pour qui veut comprendre pleinement l’art du XXe  siècle.

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