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publication des livres des chercheurs du CHS, histoire sociale, histoire urbaine, histoire culturelle, guerre d'Algérie, CNRS, universite Paris1, "Centre d'histoire sociale"

Maitron des industries électriques et gazières, le Maitron, dirigé par Paul Boulland

Dictionnaire biographique des militants des industries électriques
et gazières, de la Libération aux années 2000

Maitron des industries électriques et gazières, le Maitron - Paul BoullandProlongeant le premier Dictionnaire Gaziers-électriciens, sorti en 1996 sous la direction de M. Dreyfus, ce volume propose plus de 400 notices dans le volume papier. Il est accompagné d’un cédérom reprenant plus de 2600 biographies, couvrant l’ensemble des notices du corpus gaziers-électriciens pour les XIXe et XXe siècles. Enfin, pour la première fois dans la collection Maitron, il est accompagné d’un DVD présentant un documentaire réalisé à partir d’une vingtaine d’interviews d’acteurs du syndicalisme.

dirigé par Paul Boulland
Ivry-sur-Seine, Editions de l’Atelier, 2013
sortie 6 février 2014 • 464 p.
prix : 30€

Depuis la Libération et la nationalisation des industries électriques et gazières en 1946, l’engagement des femmes et des hommes qui ont travaillé dans ce secteur a durablement marqué l’histoire sociale française. La création d’un statut unique pour les salariés est le fruit des combats menés durant plusieurs décennies avant cette date décisive. Cette conquête démontre le caractère souvent pionner d’un syndicalisme dont l’implantation est particulièrement dense, au regard d’autres secteurs industriels. Ce statut novateur s’accompagne d’un fort engagement pour la défense du service public et pour obtenir les moyens nécessaires au développement des activités sociales. Cette bataille se concrétise par la création du Conseil central des œuvres sociales (CCOS) puis, en 1964, de la Caisse centrale des activités sociales (CCAS). Marquée par d’importantes mobilisations, jusqu’aux luttes contre les premières remises en cause du modèle social et économique d’EDF-GDF, cette période est aussi celle de transformations industrielles et professionnelles majeures, à l’image de l’essor du secteur nucléaire, nouvel espace militant et enjeu d’importants débats de société.
Cet ouvrage réunit plus de 400 biographies inédites ou renouvelées de militants gaziers et électriciens, précédées par une introduction analysant les parcours de ces militants et l’évolution des formes de leur engagement syndical mais aussi politique, associatif, mutualiste, etc. de la Libération aux années 1990. Le cédérom joint propose un corpus de plus de 2600 biographies, qui englobe l’ensemble des notices publiées depuis les origines du Maitron et plusieurs centaines de notices nouvelles. Ainsi, du dernier quart du XIXe siècle jusqu’au seuil du XXIe siècle, ces itinéraires et ces engagements s’inscrivent dans plus d’un siècle d’histoire.Pour la première fois dans la collection Maitron, le dictionnaire offre également le témoignage de certains des acteurs de cette histoire. Le documentaire Énergie[s] militante[s], dont le DVD est inclus avec ce volume, constitue ainsi une introduction originale et vivante à l’ensemble des biographies.
Dirigé par Paul Boulland, chercheur associé au Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Paris I-CNRS) et co-directeur du Maitron, cet ouvrage bénéficie de l’apport d’une centaine d’auteurs et correspondants.
 

Présentation video
Paul Boulland présente ce volume du dictionnaire biographique, ainsi que le DVD documentaire - Énergie[s] militante[s] -, qui est offert avec le livre. 
Entretien, captation, montage, réalisation vidéo : Jeanne Menjoulet
Production : CHS


 

Outre le dictionnaire, et le DVD documentaire, un cédérom est aussi joint au livre. Ce CDROM contient un corpus de plus de 2.600 biographies, qui englobe l'ensemble des notices publiées depuis les origines du Maitron et plusieurs centaines de notices nouvelles. Ainsi, du dernier quart du XIXe siècle jusqu'au seuil du XXIe siècle, ces itinéraires et ces engagements s'inscrivent dans plus d'un siècle d'histoire.

Grève des gaziers, Baligean haranguant les grévistes 1923

 1923, grève des gaziers, Emile Baligean (CGTU) haranguant les grévistes (ci-dessus et ci-dessous)
Source Gallica, photographie de presse Agence Meurisse.

1923 syndicalisme CGTU gaziers Emile Balligean


1909 Emile Pataud secrétaire du syndicat des électriciens à la tribune. Grève des postiers à l'hippodrome, meeting du 14 mai 1909. Source Gallica, photographie de presse Agence Rol.

1909 Grève des postiers à l'hippodrome, meeting du 14 mai 1909, Pataud secrétaire du syndicat des électriciens à la tribune


 

Parmi ces 2600 biographies, voici des extraits de l'une d'entre d'elles. Le nom de Corentin Cariou, évoque, pour les parisiens, une avenue du XIXe arrondissement et une station de métro. Cette station se situe tout près de l’usine de la Villette où  un certain Corentin Cariou avait travaillé...

CARIOU Corentin, Marie

Né le 12 décembre 1898 à Loctudy (Finistère), fusillé le 7 mars 1942 à Carlepont, près de Compiègne (Oise) ; aide de forge, puis aide-ajusteur à la Société du Gaz de Paris ; syndicaliste ; membre du comité central du Parti communiste (1932-1936) ; conseiller municipal de Paris (1938-1940), quartier de Flandre (XIXe arr.).
Fils de Pierre Cariou, marin, Corentin passa sa jeunesse dans un milieu de marins pêcheurs bretons et fréquenta l’école communale de sept à douze ans. Il était le dernier né d’une famille de onze enfants. L’aîné périt dans un naufrage. Sa mère, journalière, et une de ses soeurs s’appelaient Corentine (du nom de saint Corentin, premier évêque de Quimper qui, dit-on, multiplia les poissons). Corentin lui-même partit en mer dès l’âge de douze ans et demi et demeura marin jusqu’à dix-huit ans, avant de faire son service militaire dans la marine (...) il fit quelques semaines de prison pendant son service militaire. Libéré à vingt et un ans, il fut marin pêcheur pendant deux ans puis décida d’aller chercher du travail à Paris à la mort de ses parents en 1923. « Je n’ai rien lu entre douze et vingt-trois ans » écrivit-il en 1932. Il précisait qu’il parlait « la langue bretonne assez bien, la française assez mal ».

C’est par son frère Jean Cariou, ouvrier à la Compagnie du gaz de Paris, qu’il entra dans cette Société où travaillaient de nombreux Bretons, comme aide de forge à l’usine des goudrons de la Villette (aujourd’hui démolie), le 13 novembre 1923. Il fut titularisé en 1925 et passa plus tard aide-ajusteur. Il habitait alors 26 bis, rue de l’Argonne à Paris (XIXe arr.). En 1925, il habitait 51, rue des Boulets (XIe arr.) et, en 1929, 7, rue Augustin-Thierry (XIXe arr.). Fin 1932-début 1933, il s’installa avec sa famille 15, villa de l’Ermitage (XXe arr.), où il vécut jusqu’en 1939, puis 82, rue Compans (XIXe arr.).

Corentin Cariou adhéra à la CGTU et peut-être au Parti communiste en 1923, sans doute sous l’influence conjuguée de son frère Jean, militant syndical, et du climat révolutionnaire qui régnait alors dans les usines du Gaz de Paris (grèves avec occupation en 1922, nouvelles grèves en 1923). Il participa l’année suivante à la constitution de la cellule n° 193 du Gaz de la Villette (1er rayon). Cependant dans sa biographie rédigée pour la Commission des cadres le 15 novembre 1932, il donne une autre chronologie : « Rentré au PC en 1926, dans une réunion de sympathisants de l’usine, recommandé par l’unanimité des membres de la cellule avec qui je militais depuis deux années [...] secrétaire adjoint de la section syndicale de l’entreprise, appartenant à la cellule du gaz de la Villette, n° 182 au 19e rayon. Membre du comité du 1er rayon depuis 1927 et élu au comité régional à la conférence de 1929, étant membre depuis [...] appartenant au syndicat unitaire du gaz de Paris depuis 1923 et secrétaire permanent depuis 1930. » (RGASPI, Moscou, 495 270 1377). Il militait également au SRI, à la Bellevilloise et à la coopérative la Famille nouvelle.

Donc, Corentin Cariou se consacra surtout au militantisme syndical. Son organisation le délégua au congrès tenu salle de la Grange-aux-Belles (Paris XIe arr.) les 4 et 5 juillet 1925. (...) À partir de 1928-1929, Corentin et son frère Jean entrèrent en conflit politique ouvert. Jean, de tendance syndicaliste révolutionnaire, proche de Pierre Monatte et de sa revue La Révolution prolétarienne, était alors secrétaire général du syndicat CGTU du Gaz de Paris (...). Le 20 mai 1930, lors d’élections, les minoritaires furent battus, un bureau « majoritaire » mis en place (Corentin Cariou, Vincent, Max Dupuy, Arthur Bardot, Alfred Lahaye, Rouby, Pierre Kérautret, Raymond Fonfride). Corentin Cariou devint secrétaire général du syndicat et gérant du journal Les Gaziers de Paris ; en 1934-1935, il passa secrétaire adjoint, le secrétaire général étant Pierre Kérautret. Les deux frères devaient rester opposés politiquement et syndicalement.

En février 1931, Corentin Cariou prit avec la commission exécutive l’initiative d’une première école syndicale (cinq jours, le jeudi soir, sur cinq semaines). En 1932, il fut élu secrétaire du comité intersyndical CGTU des services publics de la région parisienne avec Marcel Paul, Émile Loiseau et Jean Maury. (...) Déjà frappé de quinze jours de mise à pied, avec « dernier avertissement » le 13 mai 1930, pour « lecture d’une protestation malgré l’interdiction du régisseur de l’usine », Corentin Cariou fut révoqué du Gaz de Paris le 16 février 1935, avec tout le bureau du syndicat unitaire, pour l’apposition d’une affiche jugée diffamatoire. L’affaire, dite « Qui a fumé fumera », fit grand bruit, et après une campagne d’opinion de grande ampleur, les sept révoqués furent réintégrés le 17 juillet (...), Cariou entra au Comité central lors du VIIe congrès national (Paris, 11-19 mars 1932) et le quitta au VIIIe congrès (Villeurbanne, 22-25 janvier 1936). Travaillait-il encore à l’usine des goudrons, ou était-il permanent syndical ? Les rapports de police le qualifiaient toujours d’employé à la Société du Gaz au début de la Seconde Guerre mondiale. Le Parti communiste le présenta à plusieurs élections. (...). Il entra au conseil municipal de Paris comme représentant du quartier du Pont-de-Flandre (XIXe arr.) à l’occasion de l’élection partielle du 27 mars 1938 provoquée par la démission du communiste Jacques Grésa (élu député).

Le conseil de préfecture le déchut de ce mandat le 21 janvier 1940, pour appartenance au Parti communiste. En septembre 1939, il ne fut pas mobilisé. Comme d’autres militants, il avait à attendre dans ses foyers un ordre individuel de mobilisation. Il ne se cacha pas ; il attendit. L’ordre arriva le 23 décembre 1939. Il fut à la fois mobilisé et interné administrativement au camp de Baillet (Seine-et-Oise) (une source administrative le présente cependant comme mis en séjour surveillé en date du 13 décembre 1939 puis libéré). Il fut transféré le 12 janvier 1940 à La Ferme Saint-Benoît (Seine-et-Oise), dans la « 1ère compagnie spéciale ». Puis le 23 mars à Bourg-Lastic, il fut incorporé dans la « 2e compagnie spéciale de travailleurs » créée dans ce camp d’internement (il retrouva notamment Lucien Sampaix*). Il s’évada et gagna Lyon (Rhône) où il profita de la pagaille de la débâcle pour se faire démobiliser légalement.

Il rejoignit alors sa femme et sa fille en Bretagne, puis retourna avec elles à Paris dans le XIXe arr. où le Parti communiste clandestin lui confia des responsabilités dans cet arrondissement. « Un soir, dit sa fille Andrée, en se promenant dans le square de la Butte Rouge, il s’est rendu compte qu’il était suivi. En rentrant, il nous dit : " Je ne suis pas sûr, mais je pense avoir été repéré ; demain, je partirai ". La police tournait autour de trois familles du quartier : les Sampaix, les Michel et nous. » La police était là le lendemain, 5 octobre 1940, et l’envoya au sanatorium d’Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Sa participation, aux côtés de Jean Duflot* notamment, à « un mouvement d’indiscipline » le fit incarcérer avec lui le 6 avril 1941 à la maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise, Yvelines). Le 8 mai, il fut dirigé sur le centre de séjour surveillé de Châteaubriant (Loire-Inférieure).

Là, toujours aux côtés de Jean Duflot*, placé dans la « baraque des isolés », il vécut en octobre 1941 l’exécution des otages (sa femme et sa fille étaient retournées en Bretagne en juin-juillet 1941). Corentin Cariou était interné depuis le 9 février au camp de Compiègne lorsqu’à la suite de l’attentat commis le 1er mars 1942 contre une sentinelle allemande, rue de Tanger (XIXe arr.), les autorités d’occupation décidèrent de fusiller comme otages « vingt communistes et juifs » ; parmi eux : Roger Jurquet, Gaston Huart, Roland Martin, Corentin Cariou, Pierre Rigaud et Pierre Semard. L’exécution de Cariou, de Pierre Rigaud et de Réchaussière (syndicaliste de la TCRP) eut lieu le 7 mars 1942 à midi, à Carlepont, dans une forêt près de Compiègne, au même endroit où Louis Thorez avait été fusillé le 21 février (une stèle a été posée). La veille de sa mort, à 20 h 30, Cariou écrivit à sa femme : « ... Je suis dans une cellule isolée, pour ma dernière nuit [...] Je pars avec courage, en confiance dans la victoire finale. Sois courageuse pour élever notre chère fille [...] Je ne vois pas ce que j’écris dans la nuit. Nos sacrifices ne seront pas vains... »

Corentin Cariou serait mort en criant : « Vive la France. Vive le Parti communiste. » Il laissait une femme (Marie, Anne, Marianne née Le Garrec le 14 février 1893 à Plonéour Lanvern, Finistère, morte le 31 janvier 1958), et une fille (Andrée, née le 23 février 1931 à Paris, morte le 20 juillet 1997). Dans son autobiographie de 1931, il présentait ainsi sa femme : « Marie Anne Garrec de Pont-l’Abbé (Finistère), exerçant la profession de brodeuse avant de venir à Paris où elle a travaillé comme femme de chambre dans une modeste pension de famille. Aucune activité politique, sympathisante. Son père, journalier âgé de soixante-dix ans, mère repasseuse, habitant tous les deux à Pont-l’Abbé. » (document cité) Le corps de Corentin Cariou fut inhumé à Cuts (Oise). Le 1er novembre 1945, le Parti communiste organisa une cérémonie place de la République et des obsèques solennelles pour les sept élus de Paris victimes du nazisme (Jules Auffret*, Corentin Cariou*, Léon Frot*, Maurice Gardette*, René Le Gall*, Raymond Losserand* et Charles Michels*). Ils reposent dans une tombe commune au Père-Lachaise, près du mur des Fédérés (...)
René Gaudy, Claude Pennetier

 


 

Biographie de Marcel Paul, retracée aussi dans le film du CCAS ci-dessous...

MARCEL PAUL ou l'énergie de l'engagement 

Une production Les Activités Sociales de l'Energie - Une réalisation Direction de la Communication Pôle Audiovisuel
Groupe de pilotage : Simone JANTOU, Brigitte MAGNIADAS, Nadine CUIBURU, Alexandre COURBAN, Françoise ROBERT-SANGUE, Chloé VIGNERON
 Commentaire : Paul BOULLAND Voix : Stéphane LAUTISSIER
Documentaliste : Serge SALVAR Illustration sonore : Daniel FRANÇOIS

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