-
Blanc de plomb. Histoire d’un poison légal
Blanc de plomb
Histoire d’un poison légalParis, SciencesPo Les Presses, mai 2019
372 p., 26 €Couronné deux fois en 2020 !
Prix d'Histoire François-Bourdon et prix Prescrire 2020Les substances toxiques peuplent notre monde, elles ont conquis l’air ambiant et envahi l’espace domestique. Nourriture, emballages alimentaires, textiles, produits cosmétiques, peintures... Pas un domaine de la vie quotidienne n’échappe à la myriade de poisons, cancérogènes ou perturbateurs endocriniens suspectés ou avérés. Chacun le sait et, pourtant, y consent.
Pour comprendre les raisons de cet accommodement collectif, l’historienne Judith Rainhorn a enquêté sur le blanc de plomb, la fameuse céruse, massivement fabriquée et utilisée pour blanchir la peinture qui a couvert les murs des villes européennes depuis la fin du XVIIIe siècle. Poison du travail pour les ouvriers qui l’ont jadis manipulé dans les ateliers empoussiérés, le pigment de plomb, responsable du saturnisme, est aujourd’hui un poison environnemental.
Comme pour l’amiante, les pesticides, les phtalates ou encore les nanoparticules, la logique sociale, industrielle, scientifique et politique a imposé son rythme et ses nécessités, faisant de la céruse un poison légal.
Judith Rainhorn est historienne, professeure à l’université Paris 1 Panthéon- Sorbonne et membre du Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (CHS). Ses travaux portent sur l’histoire du travail, de la santé et de l’environnement des populations urbaines en France et aux États-Unis aux XIXe et XXe siècles.
Voir également l'article paru dans Libération le 3 mai 2019
« Autour de Notre-Dame, un silence de plomb »Table des matières
Introduction – Les raisons de la colère
Chapitre 1 – S'approprier le poison (XVIIIe siècle-1830)
Des fards antiques aux parements urbains
De Venise à Amsterdam
L’appropriation d’un secteur stratégique
Balbutiements
À procédé nouveau, nouvelle fabrique
Soutenir à bout de bras la céruse patriote
La céruse française au premier XIXe siècle
Une industrie émiettée
Nouveaux marchésChapitre 2 – L’invention du saturnisme (1820-1860)
Assembler des savoirs en miettes
Paternité de l’identification
Confuses coliques
Tanquerel, le passeur des terres
Lefèvre, le passeur des mers
Désigner la coupable
Un cadre juridique exceptionnel
Brutalité épidémique
Une réglementation sous influence
Tâtonnements thérapeutiques et prophylaxie douteuse
La postérité européenne du « macaroni »
Les médecins au front de la prévention
Adapter les hommes aux risques du travail
Les saturnins, ouvriers alcooliques et désaffiliés ?
Consentir au risqueChapitre 3 – Au bord du gouffre (1845-1853)
Les difficultés de la substitution
Le « moment » Leclaire
Leclaire, inventeur autodidacte
Du laboratoire à l’usine
Publiciser l’invention
Vers une décision politique ?
À la recherche du « patronage de l’autorité »
Prescrire n’est pas proscrire
Concurrences et stratégies sur le marché des pigments
Les cérusiers en ordre de bataille
La Vieille-Montagne prépare l’offensive
Sur le pré
Les tenaces résistances de la céruse
La « routine », ennemie du progrès ?
Fraudes et duperies dans les métiers de la peinture
Contre Leclaire, saint-simonien et fouriéristeChapitre 4 – Grammaires de l’opacité (1853-1900)
S’organiser pour construire un argument
Concentration géographique et coalescences familiales
Défendre le tarif et modifier la classe
Expert-Bezançon, roi du blanc poison
« Autant de sécurité que du pain chez les boulangers »
La normalisation technique
L’eau et l’huile, « panacées des cérusiers » ?
Hiérarchiser les fabriques pour légitimer le secteur
La provincialisation du problème sanitaire
Construire l’opacité par le discours
Parole d’expert, parole d’évangile
L’ombre d’un doute
La rhétorique du risque maîtrisé
Alcool et plomb, les failles du savoir
Quelques certitudes, beaucoup d’incertitudes
Le confinement dans la sphère savante
L’opacité statistique du fait pathologique
Du fait divers à l’introuvable population statistique
Discréditer le chiffre
Le métier, facteur de risque morbideChapitre 5 – Enfance d’une cause (1900-1909)
Des cérusiers aux peintres
Du risque vécu au risque mesuré
Des victimes visibles et armées
Les ressorts de la mobilisation ouvrière
Lacunes et omissions du syndicat
Les socles de l’émotion populaire
Inscrire le combat dans une généalogie
« Dom Craissac de la Céruse »
Des lignes de faille idéologiques et tactiques
« Les hommes qui pensent et les hommes qui peinent »
Les institutions internationalisées de l’hygiène au travail
Hommes de l’art en politique
Les « fonctionnaires d’état-major » en ordre de bataille
L’hygiène industrielle en partage
La céruse et le « massacre des innocents »Chapitre 6 – Négocier la loi (1901-1919)
Récit d’une chronique parlementaire
La tentation administrative
Le volontarisme des députés
La force de l’inertie
Techniciser le débat pour le dépolitiser
Cerner l’épidémie
« Faire de la peinture en manchettes »
Le bégaiement du débat technique
L’État contre les intérêts privés
Une réglementation inapplicable
Indemniser les empoisonneurs ?
Cause humaniste ou complot de basse politique ?
Cérusards vs anti-cérusards
La céruse dans le concert des nations
Une loi peut en cacher une autre
Une matrice commune
Le choix de la réparation
Pratiques et limites des textesChapitre 7 – L’engagement des nations (1919-années 1930)
Anciens acteurs, nouvelles arènes
Le berceau précoce de l’AIPLT
Un problème « mûr au point de vue technique »
Le feu aux poudres
Construire le consensus
Les conditions du dissensus
Confisquer le débat technique
« Le coup de théâtre de Godart »
Une victoire en demi-teinte
« La moitié seulement de la besogne est faite »
Au mépris de la loi
« Un travail de termite »
L’écho belge
Ratify or not ratify, that is the questionÉpilogue – La céruse à bas bruit
Index, Bibliographie , Sources
« JUSTICE SOCIALE ET TRAVAIL DÉCENT. L'OIT en actionLe prix du travail. France et espaces coloniaux, 19e-21e siècles »
Tags : Histoire, poison, travail, industrie, ouvriers, blanc de plomb, céruse, saturnisme, Judith Rainhorn
-
Commentaires