• Jean Zay. Le ministre assassiné

    Jean Zay
    Le ministre assassiné, 1904-1944

    Jean Zay. Le ministre assassinéAntoine Prost et Pascal Ory

    Paris, Tallandier, mai 2015
    185 x 255 mm • 158 pages illustrées

    isbn : 979-10-210-1070-3
    prix : 24,90 €

    Député radical-socialiste à 28 ans, ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts de 1936 à 1939, Jean Zay fut assassiné par la milice avant même d'avoir eu 40 ans, le 20 juin 1944. Pourquoi ce destin hors du commun, cet accès précoce à de très hautes responsabilités et cette fin tragique ?

    Pour répondre à ces questions, on retrace ici simplement et clairement la vie et l'action de Jean Zay : ses origines familiales, sa formation, son ascension politique, puis son rôle à l'Éducation nationale sous le Front populaire. Par ses projets, ses décisions, sa méthode et son style, il fut un grand ministre réformateur : classes de fin d'études primaires, sixièmes d'orientation, activités dirigées, sport à l'école, mise en réseau des centres d'orientation, création du CNRS. Chargé des Beaux-Arts, il leur donne, résolument soutenu par un mouvement de fond à la fois moderniste et démocratique, une inspiration nouvelle qui annonce les enjeux de la « Culture » d'après-guerre : réforme de la Comédie-Française, premières subventions aux « jeunes compagnies », nouveaux musées, soutien à la lecture publique, liens Culture-Loisirs, festival de Cannes…
    Après Munich, c'est dans le gouvernement l'un des ministres les plus fermes dans la volonté de résister à l'Allemagne nazie. Les collaborateurs dénonceront d'ailleurs en lui un fauteur de guerre, coupable de ne pas avoir fait la paix avec Hitler.Suprêmement intelligent et cultivé, actif, organisé, ouvert, Jean Zay tranchait sur la grisaille du personnel politique d'alors. De plus, sa réussite lui promettait un rôle majeur dans les gouvernements à venir. Mais il représentait tout ce que Vichy détestait. Aussi, après un procès proprement scandaleux, le nouveau régime le condamna-t-il à la détention à perpétuité. Emprisonné à Riom pendant toute la guerre, il est finalement exécuté au coin d'un bois.Ainsi finit tragiquement un ministre éminemment sympathique, efficace et moderne, qui avait mis en mouvement l'école républicaine et fait lever de grands espoirs.

    quelques extraits

    page 18 (La famille et la jeunesse)

    En 1916, sa composition française de certificat d'études, très patriotique, est publiée intégralement dans le Bulletin de l'Instruction publique du Loiret. De 1916 à 1918, « fils de combattant », comme il se nommera lui-même, il fabrique un journal illustré qu'il intitule Le Familier, mis en page comme un vrai journal, écrit à l'encre violette sur des cahiers d'écolier : il y traite quotidiennement, sous divers pseudonymes, de l'actualité de la guerre – qu’il suit avec une très grande attention patriotique –, mais aussi, souvent avec humour, d'événements familiaux ou locaux.

    Jean Zay. Le ministre assassiné

    Boursier, lycéen brillant, il est primé au concours général en composition française, puis l'année suivante en philosophie. Il anime un journal lycéen au titre éloquent : Le Potache bouillant. Bachelier en 1923, il choisit les études de droit et travaille comme clerc d'avoué pour les financer. En même temps, il écrit dans le journal de son père, dont il assure le secrétariat de rédaction, s'engageant ainsi dans la vie politique locale, alors même qu'il n'est pas encore électeur. Interviewé en 1937, il dira : « Le journal de mon père était un journal politique. C'est vous dire que je n'ai jamais commencé à faire de la politique. J'ai vécu dans son atmosphère et je crois bien avoir tenu ma première réunion publique à l'âge de Mans… »

    page 27

    Les débuts en politique

    De 1926 à 1928, il fait son service militaire à Saint-Avold-Morhange. Inscrit au barreau d'Orléans en 1928, c'est un avocat dont l'éloquence efficace obtient l'acquittement dans plusieurs procès d'assises difficiles. Son cabinet est bientôt un des plus actifs de la ville. Une réputation qui compte en politique.

    Jeune et brillant avocat, Jean Zay était aussi un militant républi­cain, au sens plein qu'avait ce terme depuis l'affaire Dreyfus. Très actif dans la Ligue de l'enseignement et dans celle des droits de l'homme, il avait été initié à la loge Étienne Dolet et avait adhéré au parti radical. Mais il avait surtout réanimé la Fédération des jeunesses laïques et républicaines (JLR), en multipliant les réunions et conférences dans le département du Loiret. Cela lui avait valu une certaine notoriété.

    Jean Zay. Le ministre assassiné

    La politique qui l'intéressait, c'était la grande politique, celle de l'État. Aux JLR, on discutait des principes fondateurs et de la politique nationale. La politique locale ne l'attirait pas. Sa carrière politique n'a donc pas suivi l'itinéraire classique qui conduit d'une municipalité au conseil général, puis Photo officielle de Jean Zay à la Chambre ou au Sénat. Il n'a jamais cherché à devenir conseiller municipal ou maire.

    En revanche, quand le comité radical-socialiste lui a proposé d'être candidat aux élections légis­latives de 1932, il n'a pas hésité. Sa désignation était ambiguë, car il était très jeune - 27 ans - et les caciques radicaux auraient pu préférer l'un des leurs. Mais le sortant, un modéré bien implanté, semblait difficile à battre. Les radicaux d'Orléans ne prenaient pas un grand risque en donnant sa chance à un jeune. Jean Zay la saisit, mena une campagne dynamique et fut élu au second tour d'une courte tête.

    page 41

    Le ministère de l'Éducation nationale en 1936

    Avec la constitution du gouvernement de Léon Blum, deux mois avant de fêter ses 32 ans, Jean Zay devient donc ministre de l'Édu­cation nationale et des Beaux-Arts.

    Ce n'est pas, à l'époque, un ministère de première importance ; il vient en huitième ou neuvième position dans la liste officielle, après la Marine et l'Air. Il n'est pas écrasé par des tâches de gestion : les instituteurs – moins de 150 000 – étaient gérés dans chaque département par les inspecteurs d'académie, et l'enseignement secondaire comptait environ 255 000 élèves (175 000 garçons et 80 000 filles) à la rentrée de 1936, pour un corps enseignant qu'on peut évaluer, faute de chiffres précis, à moins de 15 000 professeurs. Quant aux facultés, elles comptaient alors près de 75 000 étudiants et moins de 2 000 professeurs. L'enseignement privé était totalement indépendant ; il n'était pas inspecté, n'avait pas de statistiques à fournir, et ne recevait aucun subside du ministère, dont le budget, y compris les Beaux-Arts, représentait alors autour de 7,5 % des dépenses de l'État.

    La structure du ministère était simple, il comprenait cinq directions : le primaire, le secondaire, le supérieur, le technique et les beaux-arts. À l'échelon régional, les responsabilités des seize recteurs se limitaient en fait à l'enseignement supérieur, car les lycées étaient administrés directement de Paris. Le ministre pouvait se consacrer simultanément à l'Éducation et à ce que nous appelons aujourd'hui la Culture : les théâtres, les musées, les bibliothèques.

     

    page 131

    Une tragédie en trois actes

    Hélas, c'est la débâcle. Apprenant que la Chambre se réunis­sait à Bordeaux, Jean Zay quitte son unité avec l'accord de son chef pour la rejoindre, comme en avril pour le Comité secret. Le 17 juin, le maréchal Pétain formait un nouveau gouvernement et demandait à Hitler ses conditions pour cesser le combat. Divisé, le cabinet adopte un compromis : Pétain resterait en France pour gérer les affaires courantes, le président de la République, Albert Lebrun, et ceux du Sénat et de la Chambre gagneraient l'Algérie par Port-Vendres pour continuer la guerre. D'autres hommes politiques rejoindraient le Maroc. Dans ce cadre, Jean Zay, sa femme et sa fille embarquent sur le Massilia le 20 juin. Mais, apprenant qu'Albert Lebrun était prêt à partir, Pierre Laval lui fit une scène telle qu'il y renonça. La propagande se déchaîne alors contre les passagers du Massilia, les accusant d'avoir fui et, pour les députés mobilisés, d'avoir déserté.

    Jean Zay. Le ministre assassiné

    Cette campagne de presse haineuse ouvre le premier acte d'une tragédie. Arrivé à Casablanca, Jean Zay est arrêté le 16 août, transféré en France et traduit devant le Conseil de guerre de Clermont-Ferrand. Sa femme, restée à Casablanca, met au monde sa seconde fille Hélène dans des conditions difficiles, médecins et sages-femmes refusant d'accoucher la femme d'un « déserteur » juif.

    L'intention primitive de Vichy était sans doute de le fusiller, car l'inculpation initiale, « abandon de poste et désertion en présence de l'ennemi », était passible de mort. Elle fut abandonnée et Jean Zay condamné le 4 octobre à la déportation et à la dégradation militaire pour « désertion en présence de l'ennemi. » Une peine qui n'avait plus été prononcée depuis Dreyfus, et une condamnation aussi inique qu'absurde : il était établi qu'il avait quitté son unité de façon régulière et qu'elle était alors à 90 km au moins de l'ennemi. Mais il s'agissait de rendre présentable un règlement de comptes politique : Vichy se venge sur Jean Zay du Front populaire, de l'Édu­cation nationale et des instituteurs, des francs-maçons, des juifs, et de ceux qui, au gouvernement, voulaient résister à Hitler.

     

    page 143

    Le 20 juin 1944, trois miliciens se présentent à la prison de Riom avec un ordre de transfert à Melun, signé du directeur de l'adminis­tration pénitentiaire, un chef de la milice. Ce document a pour seule fonction de permettre la levée d'écrou de Jean Zay, car la prison de Melun n'a jamais été prévenue de ce transfert. Les miliciens le font monter dans leur voiture, prétendent le conduire au maquis et s'arrêtent dans un bois près de Cusset. Il descend, fait quelques pas ; ils l'abattent d'une rafale de mitraillette, puis le dépouillent de ses vêtements et jettent son corps dans une sorte de puits. Les démarches entreprises par sa femme auprès de Pierre Laval ne mènent à rien. Jean Zay a disparu.

     

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