• Guerre d’Algérie, destins croisés.
    « Voyage de réconciliation » entre un fellagha et un appelé français

    Guerre d’Algérie, destins croisésDalila Berbagui
    Éditions Bellier, mars 2016

    160 x 240mm
    100 p., 50 photos

    prix : 18 €
    isbn 2-84631-319-6

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    Au cours de l’année 2007, Sbah Berbagui, ancien fellagha, rencontre Adolphe Hugon, ancien appelé français, par le hasard d’une connaissance commune. Spontanément, ils échangent sur l’Algérie. Adolphe lui confie alors son rêve de retourner dans ce pays quitté en 1961 ; la même année que Sbah lorsque celui-ci émigra en France. Coïncidence, qui va en appeler bien d’autres. Nés tous deux en 1938, ils font partie de cette même génération, qui se retrouva face à face dans un conflit qui les dépassait. Tous deux entrèrent dans cette guerre au même moment, fin 1959, au coeur de l’opération Jumelles, lancée par le général Challe. Ils combattirent alors, l’un face à l’autre, dans la petite Kabylie. Quelques kilomètres seulement les séparaient…

    Cet ouvrage retranscrit ces « Destins croisés » dans différentes étapes de leur vie : leur enfance, leur guerre, leur rencontre et ce voyage ensemble en Algérie. Il se veut un hommage à une belle « réconciliation » entre des acteurs de la guerre d’Algérie. Puisse-t-il contribuer à cicatriser quelques blessures et laisser espérer qu’à l’échelle des individus, au-delà des polémiques de part et d’autre de la Méditerranée, la rencontre et la réconciliation sont possibles.

    Dalila Berbagui, professeur d’histoire-géographie en région parisienne prépare une thèse d’histoire sur «Les commerçants et les artisans nord-africains dans le département du Rhône de 1945 à 1985». Elle a notamment contribué à l’ouvrage dirigé par Sylvie Thénault et Raphaelle Branche, La France en guerre 1954-1962 ainsi qu’ à celui dirigé par Benjamin Stora et Linda Amiri, Algériens en France 1954-1962 : la guerre, l’exil, la vie.


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  • En finir avec les bidonvilles 
    Immigration et politique du logement dans la France des Trente Glorieuses

    MarieEn finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente Glorieuses-Claude Blanc-Chaléard
     

    Paris, Publications de la Sorbonne
    collection « Histoire contemporaine, 15 »
    464 pages illustrées

    isbn : 978-2-85944-5
    prix : 25 €

    La résorption des bidonvilles est l’une des grandes questions sociales de la France des années 1960-1970. Question urbaine, à l’heure où se façonnent les banlieues modernes et où s’estompe la crise du logement. Question d’immigration aussi, les bidonvilles étant à 80 % peuplés par les travailleurs immigrés qu’attire la croissance des Trente Glorieuses.

    Les premiers viennent d’Algérie, et c’est dans l’urgence de la décolonisation qu’est lancé, par l’État, le premier plan de résorption et de relogement en 1959. D’autres suivent, longtemps impuissants à enrayer l’« épidémie », mais finissant par en venir à bout dans un climat de scandale national.

    Cette politique n’a jamais été étudiée. Du « temps de Nanterre », phase coloniale ciblant les bidonvilles algériens, au « temps de Champigny », où se croisent enjeux humanitaires et urbanistiques, ce livre propose de suivre le cas emblématique de la région parisienne, au fil de deux décennies de résistances et d’enlisement, mais aussi de colère et d’engagements. Le climat politisé d’après-Mai 68 impose finalement d’« en finir avec les bidonvilles », selon les termes du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas.

    Derrière le volontarisme de l’action publique dans le domaine de l’habitat insalubre et précaire et l’émergence d’un mouvement associatif en soutien aux immigrés, le principal enjeu demeure la place faite aux immigrés dans la société urbaine contemporaine. Cette histoire interroge le devenir des ségrégations et permet de comprendre comment les questions d’habitat et de logement, encore peu sensibles avant-guerre, sont devenues décisives dans l’émergence d’un nouveau « problème de l’immigration » au cours des années 1970.

    Marie-Claude Blanc-Chaléard est historienne et spécialiste des questions de migrations. Professeur émérite à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense et membre du laboratoire IDHES, elle s’intéresse particulièrement aux relations entre les migrants et la ville. Ses premières recherches ont porté sur les Italiens en France et leur intégration en région parisienne depuis le XIXe siècle.

    (ré)écouter La marche de l'histoire 

    France inter • émission de Jean Lebrun du 15 mars 2016

    invitée Marie-Claude Blanc-Chaléard
    et son livre En finir avec les bidonvilles

    voir le film

    extraits

    En finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente Glorieuses 

    Fig. 23 – Photographie du bidonville
    de La Garenne devant le Cnit,
    site de La Défense, 1964.

    La création de l’Epad en septembre 1958 vise à donner consistance à un projet qui court depuis l’entre-deux-guerres et le plan Prost : créer un centre d’affaires en dehors de Paris et urbaniser une « voie triomphale », prolongeant vers l’ouest la perspective historique des Champs-Élysées. Le premier geste fut, en 1956, la décision de construire le Centre national des industries et des techniques (Cnit), bâtiment d’avant-garde pour promouvoir le savoir-faire de l’industrie française. Achevé en 1958, il restera longtemps isolé, avec son hinterland des six bidonvilles de La Folie – dont celui de La Garenne, photographié par Jean Pottier six ans plus tard (fig. 23). Avec l’Epad, le périmètre de La Défense a été réparti sur deux zones : la zone A, sur 130 hectares, à cheval sur les villes de Puteaux et de Courbevoie, et la zone B, qui correspond aux 620 hectares du centre de Nanterre. Les choses démarrent doucement, l’établissement a trente ans pour faire les acquisitions et libérer le terrain, les entreprises gardent leurs distances. L’urbanisation prend néanmoins forme dans la zone A, où apparaîtront les tours du centre d’affaires au début de l’année 1970. La zone B est le réceptacle des chantiers régionaux : le RER, l’université, la préfecture, sans projet d’ensemble, mais avec beaucoup de nuisances, ce qui contribue au développement des bidonvilles… et à l’hostilité de la municipalité. Celle-ci, intéressée au projet au départ, a été rapidement écartée. 

    En finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente GlorieusesFig. 25 – Déménagement du bidonville
    en 1960

    À l’opposé de ce que cherchent à montrer les photos de la préfecture sur la satisfaction des « résorbés » (fig. 25), ce récit montre bien la soumission hostile des habitants. En réalité, il convient de situer ces opérations dans le contexte de terreur dans lequel vit alors la plus grande partie de la population des bidonvilles, de plus en plus acquise à l’action du FLN, dont les méthodes sont également redoutables. Tous les témoignages recueillis aujourd’hui auprès d’anciens habitants confirment celui de Monique Hervo. Les habitants ont le sentiment d’une menace permanente, ce qui les conduit à un total repli sur soi. Comment, dans ces conditions, faire passer la politique de résorption pour une politique sociale ? Les jeunes du Genearp qui enquêtent au Petit Nanterre notent que dès 1959, devant la fréquence des recen-sements, « la population s’est mise à vivre dans la crainte ». À juste titre, car tout recensement prélude à une destruction et s’ajoute aux brimades quotidiennes. Le SAT est installé rue des Pâquerettes et les Algériens sont contraints de s’y
    rendre pour de multiples démarches. Et le détachement de supplétifs harkis FPA est également basé très près, au pont de Rouen. Le climat se tend et les « opérations-bidonvilles » organisées par la police, à partir de 1960, ne sont guère faciles à distinguer des opérations de résorption « ordinaire » (fig. 26 et 27).

    En finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente Glorieuses En finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente GlorieusesFig. 26 et 27 –
    Images d’une résorption à Nanterre, 1960.

     

     

    L’effet 68 : politisation en route (1968-1972)

    Mai 68 marque une inflexion pour l’histoire de l’immigration comme en bien des domaines de l’histoire sociale. D’une part, l’activisme « gauchiste », qui se poursuit au cours des années suivantes, contribue à rendre les immigrés de plus en plus visibles et à relancer le sujet des bidonvilles et des marchands de sommeil. D’autre part, la période qui commence en 1970 est marquée par une effervescence qui voit, d’un côté, l’émergence d’une politisation autonome des immigrés, de l’autre, la radicalisation de ceux qui les soutiennent. Cette effervescence accélère les inquiétudes de tous ceux qui considèrent comme dangereux le maintien de la libre circulation. La question des bidonvilles é-volue plus que jamais sous avis de tempête.

    Agitation
    La Cause du peuple l’affirme en septembre 1969 : « Désormais, dans toute la banlieue parisienne, le vent de la révolte souffle dans les foyers-prisons et les bidonvilles. »

    Actions alternatives «anti-bourgeoises». L’effervescence de 1968 continue- d’animer les premières années de la présidence de Georges Pompidou, à travers un certain nombre d’événements et de lieux. Les bidonvilles sont de ceux-là. Ils se prêtent aux mises en scène spectaculaires.
    Ainsi en est-il de l’opération « Fauchon », canular roboratif qui parle davantage aux nationaux qu’aux immigrés : le 8 mai 1970, les « maoïstes » (comme les désigne leur tract) font main basse sur les mets les plus coûteux vendus par l’épicerie de luxe de la place de la Madeleine pour les redistribuer aux habitants des bidonvilles.

    En finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente GlorieusesPlus perturbante pour le pouvoir fut l’expérience de la « crèche sauvage » de Nanterre, qui dura plusieurs mois en 1970. Installée à l’initiative de Vive la Révolution, en salle D du bâtiment des lettres de la faculté de Nanterre, cette crèche était destinée à tous les enfants, notamment à ceux des bidonvilles voisins ou ceux des ouvriers de Citroën (fig. 54). Sur le modèle des crèches lancées à Paris, à Censier et à l’école des Beaux-Arts, elle s’inscrivait dans le répertoire « spontanéiste » de Vive la Révolution.

    Fig. 54 – « Bébés français immigrés… … même biberon ! » Tract édité par le comité d’action Citroën-Nanterre, avril 1970. 

    Les immigrés et l’insalubre : défis pour la « nouvelle société »

    Cinq morts à Aubervilliers : l’habitat immigré à la Une

    Au cours de la première nuit de l’année 1970, cinq travailleurs africains meurent asphyxiés dans un « foyer » insalubre à Aubervilliers.

    En fait de foyer, il s’agit d’un des innombrables taudis aménagés par un « marchand de sommeil » (lui-même africain) : une baraque construite en annexe d’un pavillon surpeuplé. Faute d’avoir été payé, le chauffage a été coupé et les locataires ont allumé, pour se réchauffer, le feu de fortune qui les a asphyxiés. Outre les cinq morts, deux ouvriers sont à l’hôpital (fig. 58).

    En finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente Glorieuses

    Fig. 62 – Jacques Chaban-Delmas à Nanterre (29  juin 1971).

    Nanterre: des bidonvilles aux cités de transit. Concernant le territoire municipal le plus emblématique des bidonvilles, la loi Vivien ne pouvait que s’appliquer de façon démonstrative. L’accord signé à la veille de Mai 68 entre la ville et la Sonacotra est vite dépassé, entre autres, par l’agitation dénoncée par le recteur autour de l’université en 1970. Les réunions interministérielles se multiplient entre août et octobre 1970, présidées par Robert-André Vivien lui-même, en présence de nombreuses personnalités concernées, du préfet des Hauts-de-Seine Claude Boitel et de Guy Houist.
    Des discussions ressort l’idée qu’on ne veut pas faire n’importe quoi, mais qu’il faut aussi aller vite. La question est simple : il y a un nombre de familles à reloger bien plus grand qu’ailleurs (617 d’après Roberrini), les familles, « toutes nord-africaines », ont souvent de 5 à 6 enfants, et rien n’est disponible : en septembre, le préfet­ n’a que 26 logements HLM à sa disposition. Les cités de transit sont pleines et il n’y a pas de transit faute de logement d’aval, les offices municipaux opposant « une levée de bouclier » devant l’application de l’arrêté du 1er octobre 1968, les municipalités commu­nistes sont « saturées », celles acceptant des foyers ou des logements sociaux sont beaucoup moins nombreuses dans ce département qu’ailleurs­. Les places disponibles se trouvent dans d’autres départements, dans des ensembles fort éloignés (Yvelines surtout, Sartrouville, Persan-Beaumont). 
    Robert-André Vivien propose deux échéances pour les six mois à venir : d’ici trois mois, la résorption du bidonville rue de la République (dit « du Pont de Rouen », le plus proche de l’université, incriminé par l’Éducation nationale) et ses 117 familles ; puis la construction de nouvelles cités de transit pour 200 familles. Les réunions d’octobre s’attardent sur les ultimes difficultés qui hypothèquent la mise en chantier, liées à la maîtrise d’ouvrage et aux modalités d’attribution des crédits.La première résorption de la rue de la République a lieu en décembre 1970 (opération slpm en présence de deux conseillers sociaux, de la brigade Z et du Sat local, mais aussi d’un secrétaire de mairie, de l’Asti locale, de la Cimade, du comité Palestine, reconnu par Marc Roberrini, et d’un représentant du consulat algérien). La commune accepte deux familles, dix autres sont relogées « dans des cités de transit du département et de Seine-Saint-Denis ». Dans son compte rendu, Marc Roberrini se plaint de l’attitude des « gauchistes » et de l’Asti, qui incitent les familles à refuser les logements, engloutissant par exemple les efforts accomplis pour persuader des couples avec cinq ou six enfants à accepter un F3 en cité de transit. De fait, les habitants des bidonvilles affichent désormais leurs revendications, qui passent par un re-lo-gement dans la commune, le rejet des vieilles cités de transit et la demande d’un lo-gement pour chacun dans les programmes de résorption.Le territoire de Nanterre est par ailleurs engagé dans un nouveau cycle, avec le démarrage de l’urbanisation de l’Epad. Le réseau express régional atteint La Défense en 1971 et la construction des tours du nouveau pôle tertiaire est engagée. Pour les bidonvilles, c’est l’heure des dernières résorptions, avec la construction de nouvelles cités de transit et la destruction des plus anciennes. Le Premier ministre choisit le moment de la résorption du grand bidonville de La Garenne pour se rendre dans la commune de Raymond Barbet, le 29 juin 1971. Deux foyers viennent d’être achevés, et il inaugure en même temps la nouvelle cité de transit de 200 places, construite à proximité, la cité Gutenberg. Les habitants rejoignent ces établissements ainsi que ceux situés dans la cité du pont de Bezons en cours d’achèvement. L’opération se dé-roule du 29 juin au 8 juillet et le compte rendu de Roberrini note que « l’évacuation a été extrêmement difficile et avec un processus crescendo inquiétant ». Le Premier ministre, accompagné de Robert-André Vivien et de Robert Lion, ainsi que le vice-consul d’Algérie sont donc présents le premier jour (29 juin), aux côtés des acteurs et spectateurs habituels de la résorption (slpm, brigade Z, Sat, services sociaux de la mairie, Amicale des Algériens en Europe).
    La veille, trois délégations d’habitants des bidonvilles, avec l’appui de Monique Hervo, s’étaient rendues à la préfecture de Paris, et à celle des Hauts-de-Seine, s’inquiétant du fait que tous les relogements n’aient pas été prévus. Cette démarche faite « à l’instigation de l’Asti et des “bonnes âmes” de Nanterre », selon Marc Roberrini, est suivie d’une série d’interventions sur RTL du 29 juin au 2 juillet, au moment où commence la résorption, en présence du Premier ministre. Par la suite, la mobilisation ne faiblit pas, avec des incidents importants le 8 juillet, deux arrestations et, selon Monique Hervo, la séquestration de Roberrini dans une baraque pour lui faire signer un engagement de relogement immédiat des 30 familles. Ce sera le cas pour 23 d’entre elles.
    La veille, trois délégations d’habitants des bidonvilles, avec l’appui de Monique Hervo, s’étaient rendues à la préfecture de Paris, et à celle des Hauts-de-Seine, s’inquiétant du fait que tous les relogements n’aient pas été prévus. Cette démarche faite « à l’instigation de l’Asti et des “bonnes âmes” de Nanterre », selon Marc Roberrini, est suivie d’une série d’interventions sur RTL du 29 juin au 2 juillet, au moment où commence la résorption, en présence du Premier ministre. Par la suite, la mobilisation ne faiblit pas, avec des incidents importants le 8 juillet, deux arrestations et, selon Monique Hervo, la séquestration de Roberrini dans une baraque pour lui faire signer un engagement de relogement immédiat des 30 familles. Ce sera le cas pour 23 d’entre elles.
    Le rapport de Marc Roberrini est très euphémisé sur ce dernier point. Il confirme l’agitation jusqu’au dernier jour, indiquant que « les 3 agents de la brigade Z sont rapidement débordés par une douzaine de jeunes gens contestataires dont l’appartenance au Comité pour la Palestine ne fait pas de doute ». Mais il leur oppose l’attitude bienveillante des familles algériennes à celle des jeunes gens (les filles particulièrement) qui usent de « slogans éculés et d’insolences ». Il reproche à l’Asti et aux « bonnes âmes » d’avoir laissé espérer des relogements aux bigames (« ce que je me suis refusé à faire, conformément aux instructions verbales communiquées au service il y a quelques années »).Il reste que, pour l’opinion publique, la résorption de La Folie est une opération qui symbolise la volonté de l’État de mettre fin au scandale des bidonvilles et d’offrir un bon logement. Cela tient en une image qui passe sur tous les téléviseurs : celle du Premier ministre qui parcourt entouré d’enfants la voie centrale de la cité Gutenberg (fig. 62).
    Le bilan des relogements est éloquent. À l’exception de trois familles fi-na-lement accueillies dans la cité HLM des Acacias à Nanterre, tous les relogements se font en cités de transit, 97 dans celle du Pont de Bezons, et 22 à Gutenberg, quelques-unes à Gennevilliers. Il en va ainsi de l’ensemble des résorptions menées dans le cadre de la loi Vivien depuis février 1971. Autant que de l’histoire des résorptions, Nanterre est symbolique d’un modèle du relogement, celui des Algériens et autres Maghrébins en banlieue ouest et de leur rejet de l’espace citadin. Si presque tous les relogements se font à Nanterre, c’est en cité de transit (la cité Gutenberg est sur le territoire de l’Epad) ; la municipalité considère que ce ne sont pas des citadins nanterriens, mais une « population départementale ».
    Le bilan des relogements est éloquent. À l’exception de trois familles fi-na-lement accueillies dans la cité HLM des Acacias à Nanterre, tous les relogements se font en cités de transit, 97 dans celle du Pont de Bezons, et 22 à Gutenberg, quelques-unes à Gennevilliers. Il en va ainsi de l’ensemble des résorptions menées dans le cadre de la loi Vivien depuis février 1971. Autant que de l’histoire des résorptions, Nanterre est symbolique d’un modèle du relogement, celui des Algériens et autres Maghrébins en banlieue ouest et de leur rejet de l’espace citadin. Si presque tous les relogements se font à Nanterre, c’est en cité de transit (la cité Gutenberg est sur le territoire de l’Epad) ; la municipalité considère que ce ne sont pas des citadins nanterriens, mais une « population départementale ».Il y a eu un accord entre la Sonacotra et la mairie, paraphé par le préfet, en 1968 […] qui disait que 85 % de la population du bidonville devait être relogés ailleurs qu’à Nanterre […]. À partir de là, la mairie s’est mis dans l’idée de surveiller tous les relogements, pour vérifier que 85 % de la population était relogée ailleurs. Alors, c’est marrant parce que les gens qui ont été mis dans les cités de transit, en attendant, ils étaient plus habitants de leur commune, ils étaient une espèce de population départementale… On savait plus qui ils étaient… Et ça s’appelait « population départementale ».Donc ils avaient perdu le droit d’être dans la commune. Évidemment, les autres communes communistes du secteur se disent saturées. Quant aux municipalités de droite, qui sont les plus nombreuses, l’anecdote ci-dessous, rapportée par Robert Lion, peut résumer leur attitude. Le jour de la résorption médiatisée (29 juin 1971), Guy Houist avait suggéré à Jacques Chaban-Delmas de demander à Jacques Baumel, président du conseil gé­néral, qui l’accueillerait sur le site de Nanterre à combien s’élevait le nombre d’habitants du bidonville devant rejoindre sa commune de Rueil-Malmaison. Il n’y en avait aucun. Le Premier ministre sut le mettre dans l’embarras en lui posant la question lors de son discours ; l’embarras restait moins coûteux que de jouer le jeu de la solidarité dans le département qu’il présidait.L’année précédente, les derniers habitants des Pâquerettes avaient été relogés dans des cités de transit à Ivry ou Orly, comme la famille de Brahim Benaïcha, après dix ans en bidonville. Le mouvement majeur se fait vers la Seine-Saint-Denis et le Val-d’Oise (Argenteuil), renforçant le glissement du peuplement maghrébin vers la banlieue nord de Paris, où abondent les ensembles HLM. La résistance des certaines mairies communistes, comme Saint-Denis, ne s’y manifeste pas moins.

    Saint-DeEn finir avec les bidonvilles. Immigration et politique du logement dans la France des Trente Glorieusesnis : le front de résorption du Franc-Moisin. La photographie (fig. 63) prise par Pierre Douzenel, photographe de la municipalité de Saint-Denis, montre le chantier du grand ensemble du Franc-Moisin qui avance au milieu du bidonville. Ce n’est pas qu’une impression : les tours et barres furent construites au fur et à mesure que se faisait la destruction des baraques. Cette lutte ultime de la ville neuve contre le bidonville a lieu symboliquement dans la commune ouvrière de la région parisienne qui a sans doute vu passer le plus d’immigrés depuis le XIXe siècle.

    Fig. 63 – Construction du bâtiment 4
    de la cité du Franc-Moisin, s.d. [1973 ?]. 

     


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  • Alain Corbin - Histoire des sens et quête de l'intime

    Alain Corbin - Histoire des sens et quête de l'intime, préface Pascal Orypréface Pascal Ory

    Paris, Robert Laffont
    collection "Bouquins"
    132 x 198, 768 pages

    isbn 2-221-12239-9
    prix 29 €

    Parmi les historiens français d'aujourd'hui, Alain Corbin est l'un des rares qui soit reconnu internationalement comme un «maître», ayant réussi à créer autour de lui et à partir de son oeuvre mieux qu'une « spécialité » de plus (les sensibilités), une nouvelle manière de faire de l'histoire. Corbin est, par excellence, l'historien des sens, l'historien des émotions, l'historien des corps. Il réussit ce tour de force de nous faire comprendre le plus intime grâce à une lecture sans préjugé des documents d'époque. Et ce corps-là, c'est déjà le nôtre.
    Ce volume offre un échantillon remarquable des trois grandes manières qu'a l'auteur d'aborder ses terres familières.
    Le Miasme et la jonquille fut en son temps (1982) – et demeure – un manifeste pour une histoire du sensible. Il s'agissait de prouver tout à la fois que : faire l'histoire d'un sens (ici l'odorat, ou, pour être précis, de la « sensibilité olfactive ») était un projet tout aussi noble que de faire l'histoire de Napoléon ou de la révolution industrielle ; cette histoire était possible, grâce à une lecture intelligente des documents à notre portée, depuis les règlements municipaux jusqu'aux poèmes romantiques.
    On retrouve cette méthode dans plusieurs des principaux livres qui ont suivi, comme Les Cloches de la terre (sur la sensibilité auditive de la « France profonde », déjà moderne mais encore rurale) ou Le Territoire du vide, ou il reconstitue ce moment étonnant ou l'homme moderne (anglais, d'abord) a inventé la mer comme loisir, autrement dit le « balnéaire », invention contemporaine de celle de la montagne.
    Le Village des « cannibales » (1990) est une de ces monographies villageoises qui nous plaisent tant (ici la petite commune de Hautefaye, dans le nord de la Dordogne), mais saisie dans un moment de paroxysme. Une journée de folie collective, au coeur de l'été 1870 ou, sous l'effet de l'entrée en guerre et des premiers désastres, une foule réunie pour une foire traditionnelle se transforme en collège de bourreaux. Le supplicié (les détails sont atroces) est un jeune aristocrate, supposé républicain mais surtout, par cela même, « prussien ». Cette étude – toujours d'actualité – est d'autant plus fascinante pour le lecteur que, par ailleurs, le même explorateur des émotions sait comme aucun autre reconstituer ici l'histoire de La Douceur de l'ombre (L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours, 2013), là de L'Harmonie des plaisirs, autrement dit des manières de jouir, du siècle des Lumières à l'avènement de la sexologie (2007).
    Autre exploration : celle du Monde retrouvé de Louis-François Pinagot (1998) ou Corbin s'est lancé sur les traces d'un inconnu. Un sabotier analphabète de la région natale de l'auteur, qui vécut 78 ans au XIXesiècle sans laisser aucune trace directe mais dont l'historien réussit à reconstituer l'univers, matériel aussi bien que mental, avec la même finesse que celle qu'on réservait jusque là aux « grands hommes ». Un véritable tour de force et un ouvrage unique en son genre : plus de 300 pages sur « un homme sans qualité ». Projet a priori infaisable et pourtant mené à bien.
    En complément, on a sélectionné un ensemble de courts textes qui permettent d'éclairer la démarche de l'auteur, les uns plus programmatiques (« Invitation à une histoire du silence »), les autres partant d'une étude de cas pour creuser l'intime (« Écriture de soi sur ordonnance », ou l'histoire des pollutions nocturnes de M.X, patient d'un professeur de faculté...)

    lien sur le site de l'éditeur


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  • Le devoir de mémoire
    Une formule et son histoire

    Le Devoir de mémoireSébastien Ledoux
    Paris, CNRS Éditions, janvier 2016
    150 x 230 mm
    000 pages

    isbn 978-2-271-08800-0
    prix : 25 €

    D’où vient l’expression « devoir de mémoire » ? Comment s’est-elle imposée dans notre langage courant ? À partir de nombreux entretiens, d’archives inédites et de sources numériques massives, Sébastien Ledoux retrace la trajectoire de cette formule qui éclaire la relation souvent douloureuse que la France entretient avec son histoire récente. Forgé à l’orée des années 1970, le terme investit le débat public dans les années 1990, accompagnant le « syndrome de Vichy » et la réévaluation du rôle de la France dans la mise en œuvre de la Solution finale, avant d’être repris pour évoquer les non-dits de la mémoire coloniale. Doté d’une forte charge émotive, il traverse les débats sur la recomposition du récit national, la place du témoin, le rôle de l’historien, la patrimonialisation du passé ou la reconnaissance des victimes, qui traduisent un tournant majeur et accouchent de nouvelles questions dont l’actualité est toujours brûlante. Ce sont les mutations de la société française des cinquante dernières années qui sont ici analysées par le biais de ses nouveaux rapports au passé que le « devoir de mémoire » est venu cristalliser.

    L'auteur : Enseignant à Sciences Po Paris et chercheur en histoire contemporaine à Paris 1 (Centre d’histoire sociale du xxe siècle), Sébastien Ledoux a consacré sa thèse à l’histoire du « devoir de mémoire » pour laquelle il a obtenu en 2015 le Prix de la recherche de l’INA.

    lien vers le site des éditions du CNRS

     


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  • Histoire de la CGT. Bien-être, liberté, solidarité


    Histoire de la CGT. Bien-être, liberté, solidaritéCollectif des auteurs, historiens du mouvement social :
    René Mouriaux, Michel Pigenet, Jérôme Beauvisage, 
    André Narritsens, Danielle Tartakowsky, Jean Magniadas, 
    Joël Hedde, Stéphane Sirot, Elyane Bressol

    Ivry, Éditions de l'Atelier, janvier 2016
    Coll. "Histoire du 20e siècle à nos jours"
    196 p.

    isbn : 978-2-7082-4471-9
    prix : 18 €

    Depuis 1895, date de sa création à Limoges, la CGT occupe une place de premier plan dans le mouvement social et la lutte syndicale. Mais quelle est son histoire ? Quand est-elle née ? Qui en est à l’origine ? Comment et dans quelles conditions cette confédération constituée de syndicats professionnels et de Bourses du travail a-t-elle traversé et affronté les soubresauts d’un xxe siècle mouvementé ? En quelles circonstances la CGT a-t-elle fait progresser les droits, les conditions de vie et de travail des salariés ?

    Avec rigueur et clarté, neuf auteurs, historiens et observateurs du mouvement social, retracent de façon chronologique les principaux épisodes de l’histoire de la CGT de 1885 à nos jours. L’ensemble de ces textes, riches d’enseignements sur le passé et illustrés d’exceptionnelles photographies d’archives, forme un livre de référence où les salariés, militants ou non, pourront puiser la force d’inventer les engagements d’aujourd’hui et de demain

    Le mot de l'éditeur : Depuis 120 ans, la CGT occupe une place de premier plan dans le mouvement social et la lutte syndicale. Mais quelle est son histoire ? Quand est-elle née ? Qui en est à l'origine ? Comment et dans quelles conditions cette confédération constituée de syndicats professionnels et de Bourses du travail a-t-elle traversé et affronté les soubresauts d'un siècle mouvementé ? En quelles circonstances la CGT a-t-elle fait progresser les droits, les conditions de vie et de travail des salariés ? À l'initiative de l'Institut d'histoire sociale confédéral, neuf auteurs, historiens et observateurs du mouvement social retracent de façon chronologique les principaux épisodes de l'histoire de la CGT de 1885 à nos jours. L'ensemble de ces textes, enrichis par d'exceptionnelles photographies d'archives, forme un livre de référence pour découvrir le passé de ce syndicat comme pour mieux comprendre les engagements d'aujourd'hui. A la fin du livre, un court texte recensera dix questions actuelles qui se posent au syndicalisme et plus particulièrement à la CGT. Par exemple, pourquoi le syndicalisme français est-il faible en adhérents, mais capable d'animer de nombreux et puissants mouvements sociaux ? Comment expliquer les divisions syndicales ? Pourquoi la CGT se dit-elle indépendante mais pas neutre vis-à-vis du politique ? Si l'égalité entre femmes et hommes a été récemment affirmée dans les statuts de la CGT, est-ce qu'il en a toujours été ainsi ? Pourquoi la CGT se dit-elle ouverte à tous quelles que soient les convictions personnelles tout en combattant l'extrême droite ?... Le livre proposera au lecteur d'aller découvrir dans des pages précises de l'ouvrage les épisodes de l'histoire de la CGT qui éclairent chacune de ces questions.

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  • Ce que dit Charlie. Treize leçons d'histoire

    Ce que dit Charlie. Treize leçons d'histoire, par Pascal OryPascal Ory

    Paris, Gallimard,  sortie librairie : 2 janvier 2016
    coll. Le débat
    236 p.

    En janvier 2015, la France fut prise par surprise. Mais elle s'est, aussi, surprise elle-même. Aux deux massacres ont répondu des centaines de «marches républicaines», dont la polémique autour de ceux «qui n'étaient pas Charlie» n'a pas réussi à occulter la profonde signification politique.

    L'événement est entré dans l'histoire. Il est entré aussi dans la géo­graphie, sous le regard de l'étranger, lui-même témoin, acteur ou victime du drame.

    Drame, au reste, ou tragédie ? Le massacre à Charlie Hebdo a mis face à face deux radicalismes: une extrême gauche vieillissante et un extrémisme religieux pour l'instant en plein essor. Le massacre à l'Hyper Cacher a confirmé la violence d'une haine du Juif cultivée dans certains milieux « issus de l'immigration».

    On a déjà beaucoup parlé de Janvier 15. Et ce n'est pas près de finir. Ce qu'on essaye ici, c'est d'analyser ce qui s'est passé, ce qui se passe encore et, dans une certaine mesure, ce qui va se passer, au travers d'une douzaine de clés d'interprétation, qui vont de « Sidération » à Soumission, en passant par Liberté d'expression, Laïcité ou Religion (Guerre de).

    L'Histoire, «avec sa grande hache» (Georges Perec), a fait son travail. Un historien fait le sien.

    Si vous souhaitez feuilleter le livre, rendez vous à :

    http://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F161485.js&oid=3&c=&m=&l=&r=&f=pdf


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