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Daniel Templon, une histoire d'art contemporain
Daniel Templon, une histoire d'art contemporain
Paris, Flammarion, collection « Écrire l'art »
mai 2016
160 x 230 mm • 413 p. ; 200 ill.ean 9782081365582
prix : 35 €Un format inédit, à la fois livre d’histoire et recueil d’entretiens
50e anniversaire de la galerie Daniel Templonlien vers le site de l'éditeur
Sur RFI, émission Vous m'en direz des nouvelles
Le rendez-vous culturel quotidien de RFI à 13h10 TU sur l'antenne monde et Paris Jeudi 20 octobre 2016écoutez Julie Verlaine
En ce jour d’ouverture de la Foire Internationale d'Art Contemporain, les nouvelles tendances du marché de l'Art et les artistes d'aujourd'hui sont à l'honneur à Paris. Mais pour commencer, hommage à Daniel Templon, pionnier de l’art contemporain à Paris, qui a fait connaître des artistes du monde entier (Jean-Michel Basquiat, Wilhem de Kooning, Keith Haring, Helmut Newton), et qui a joué un rôle majeur dans l’ouverture de la scène française à l’international. Il fête cette année les 50 ans de sa galerie.Lorsque Daniel Templon ouvre sa galerie en 1966, le monde de l'art a profondément évolué depuis les marchands d'art tels que Kahnweiler, Durand-Ruel ou Vollard qui ont défini la profession à la fin du xixe et au début du xxe siècle. New York et l'art américain font une entrée fracassante dans l'histoire de l'art et Daniel Templon est le pionnier d’une nouvelle génération qui se saisit de cette nouveauté, élargit son horizon, et réinvente le métier : celui de galeriste. Ainsi, la trajectoire de la galerie reflète de manière vertigineuse non seulement l'histoire de l'art de la seconde moitié du xxe siècle mais aussi les mutations socioculturelles et économiques du milieu de l’art contemporain.
Cet ouvrage de Julie Verlaine est le fruit d'une véritable enquête historique, par le dépouillement des riches archives, et d’une abondante documentation imprimée, qui reconstitue dans le plus grand détail les activités de la galerie, et permet de prendre la mesure des évolutions qui ont ponctué son existence et le paysage artistique international. Le récit de ces 50 années est enrichi par les propos du galeriste racontant ses rencontres, celle avec Catherine Millet à l’âge de 20 ans et ses découvertes des plus grands artistes contemporains tels que César, Ben Vautier, Carl Andre, Frank Stella, Andy Warhol, ou Helmut Newton. Il donne ainsi les clés de cette histoire, mais aussi de l’itinéraire atypique qui a fait de lui un témoin privilégié des transformations artistiques, économiques et politiques du dernier demi-siècle. Le livre est divisé en trois parties correspondant aux trois âges de la galerie : sa naissance (1966-1972), sa croissance (1970-1980) et sa maturité (depuis 1990).
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Julie Verlaine et le galeriste Daniel Templon dédicacent
PREMIÈRE PÉRIODE • NAISSANCES • 1945-172
CIMAISE-BONAPARTE, DE LA CAVE AU PREMIER
Peu attiré par les études, le jeune Daniel Templon s’intéresse à la poésie et au jazz et découvre la peinture. Rencontres fortuites et décisions intuitives l’amènent à devenir progressivement un directeur de galerie d’art, entre 1966 et 1968. Installé rue Bonaparte, au coeur de Saint-Germain-des-Prés, il découvre en néophyte le monde de l’art : artistes, critiques et collègues marchands. Les premières expositions qu’il organise avec un camarade de lycée reflètent le goût dominant à Paris durant ces années…
entretien (extrait) • p. 47-48
« Il faut être l’homme du moment, rencontrer les bons acteurs et saisir les opportunités avec le goût du risque et de l’ambition. Dans mon cas, cela veut d’abord dire être allé à New York avant les autres. »
JV : Votre arrivée fortuite, sans argent aucun et sans relations, dans le marché de l’art, serait-elle encore possible aujourd’hui ?
DT : Il serait extrêmement difficile aujourd’hui en France de refaire ce que j’ai fait. Pas pour des raisons de compétences, cela va de soi. C’est une question de contexte historique. Il faut être l’homme du moment, rencontrer les bons acteurs et saisir les opportunités avec le goût du risque et de l’ambition. Dans mon cas, cela veut d’abord dire être allé à New York avant les autres.
Dans un monde global comme l’est devenu celui de l’art, les forces sont trop dispersées. Ce qu’a fait Leo Castelli à New York entre les années 1960 et 1980, en rassemblant autant de grands artistes dans une même entité, est unique et n’est pas reproductible. Aujourd’hui quatre ou cinq galeries puissantes à New York et à Londres, avec des contrats qui les lient aux meilleurs artistes du moment, tiennent la moitié du marché mondial. Impossible d’imaginer pareille histoire dans le contexte français. Développer une galerie avec succès est évidemment toujours possible, en revanche, pour atteindre un très haut niveau, c’est considérablement plus complexe. L’argent, au sens de capitalisation d’une entreprise, est désormais essentiel. Il a remplacé en grande partie la valeur culture. Il ne s’agit pas d’un jugement, même si je le regrette, mais d’un constat. En général, et c’est le cas de beaucoup d’entre nous, la carrière s’est faite sans moyens au départ et la découverte de l’art a eu lieu hors du milieu familial : Yvon Lambert est le fils d’un boulanger, Emmanuel Perrotin celui d’un employé de banque, moi-même d’un employé de mairie. On peut aussi devenir marchand après avoir été collectionneur, il y a toutefois peu d’exemples de réussite. En revanche, le milieu familial d’origine peut le favoriser. Le père de Nathalie Obadia, qui travaillait pour l’Éducation nationale, s’intéressait à l’art contemporain et l’emmenait dans les galeries quand elle était enfant. C’est aussi le cas de Georges-Philippe Vallois, dont les parents avaient une galerie d’Art déco.
Patrick d’Elme et moi ignorions tout de l’art contemporain ; il était d’autant plus audacieux d’ouvrir une galerie que nous n’avions pas un franc et pas même une seule relation dans Paris. Ensuite, tout s’est fait naturellement. Les rapports avec les artistes et les intellectuels m’ont toujours semblé évidents, faciles. Je n’avais pas de complexes pour les rencontrer. Évidemment, cela m’a pris plus de temps pour m’intégrer et créer des liens dans ces milieux socialement différents du mien. Catherine Millet avait elle aussi des origines modestes – son père dirigeait une petite auto-école – et habitait Bois-Colombes.Quelques images
Première période
NAISSANCES
1945-1972extrait du cahier iconographique n° 1.
Edward Kienholz The Beanery, installation, 253 x 670 x 190 cm.
Stedelijk museum d'Amsterdam, 1965.Vue de la façade de la galerie lors de l'exposition de Ben "L'art est inutile" – 1970.
Anne Vautier, Catherine Millet, Alfred Pacquement et Ben lors de l'exposition "Art = Ben" au Stedelijk museum d'Amsterdam en 1973.
Chapitre 6
EXPOSER L’ART AMÉRICAIN À PARIS (2) : POP ART ET NOUVELLES FIGURATIONS
Qu’il s’agisse des abstraits, d’artistes fondateurs comme De Kooning ou encore d’artistes pop, l’ambition d’une « remontée » dans l’histoire de l’art américain au xxe siècle est poursuivie, d’année en année, par le biais de projets d’expositions et de publications de catalogues, jusqu’à la fin des années 1980. Ce faisant, Daniel Templon cherche à s’imposer comme l’un des principaux passeurs entre les États-Unis et la France, d’autant plus qu’à ces expositions regardant vers le passé font pendant des manifestations qui, elles, sont délibérément tournées vers l’avenir : celles consacrées aux évolutions les plus actuelles de la création outre-Atlantique. Le lien est assuré par l’attention portée aux figures majeures du pop art des années 1960 dont les créations contemporaines sont présentées par Daniel Templon, parfois en dialogue avec des rétrospectives muséales. Le fil figuratif se déroule, d’expositions de photographes en présentations de jeunes peintres qualifiés d’hyperréalistes, voire de « néo-pop ».
1982
Daniel Templon et Andy Warhol au 30, rue Beaubourg.
Troisième période
EXPANSION
depuis 1990L’ART CONTRE LE SPECTACULAIRE
Le début des années 1990 constitue une nouvelle étape dans l’histoire de la galerie, marquée par un déménagement qui, à l’origine, n’est en rien pensé comme éphémère. Installé en bas de l’avenue Marceau, près du pont de l’Alma, Daniel Templon a pour objectif d’accentuer la respectabilité de sa galerie. Ses moyens sont modestes – une grave crise économique rend le marché de l’art atone durant plusieurs années – mais son ambition, immense : il compte faire entrer la galerie dans une période de maturité, approfondir les directions déjà suivies pendant un quart de siècle et faire reconnaître les choix effectués dès le début des années 1970.
Tandis que la notion d’art contemporain s’élargit considérablement en s’ouvrant à des hybridations multiples dans un emballement économique et médiatique sans précédent, Daniel Templon défend non sans éclectisme des formes artistiques classiques et particulièrement la peinture. Il montre en alternance des artistes français (Raymond Hains, Jean Le Gac, François Rouan, Alain Jacquet, Jean-Michel Alberola puis Gérard Garouste) et des étrangers (Jim Dine, Julian Schnabel, Robert Longo, Alex Katz, Francesco Clemente, Jaume Plensa, Joel Shapiro).Troisième période
EXPANSION
depuis 1990Vue de l'exposition «Larry Bell/Jeppe Hein», 2010
en bas Ivan Navarro, pavillon chilien (Arsenal), Biennale de Venise, 2009.
entretien (extrait, p. 386)
JV : Quelle est votre analyse sur l’état actuel du marché de l’art français ? Quel peut être son avenir ? Comment lui rendre son dynamisme et sa compétitivité ?
DT : Le marché de l’art se porte très bien, mais je regrette que la partie financière ait trop pris le pas sur la partie artistique. Que d’un métier de passion on soit passé à un « business ». L’art devient valeur de placement, il y a une trop grande spéculation sur certains artistes à la mode. Il en va des artistes comme des tubes musicaux ou des films : il n’y a pas de recettes garantissant un succès assuré, cela se saurait. Or des galeries ultrapuissantes cherchent aujourd’hui à promouvoir par une ultramédiatisation des artistes dans le but d’une rentabilité financière rapide. Ce sont des multinationales et elles fonctionnent comme des supermarchés : sans engagements spécifiques souvent, essayant d’attirer à elles un maximum d’artistes, elles en « prennent » cinquante, voire plus – cent vingt voit-on sur le site de Larry Gagosian –, achètent leurs oeuvres, sortent beaucoup d’argent et en gagnent beaucoup ; le chiffre d’affaires de ce dernier avoisinerait en 2014 le milliard de dollars. Je n’émets ici aucun jugement moral : les choses sont comme elles sont, cela va de pair avec le développement d’une économie mondiale. C’est l’époque, nous en sommes là, il faut « faire avec ».
Le marché de l’art français est à l’image de la France, un pays qui a du mal à être de son temps. Les autres ont avancé vite, nous à vitesse réduite. L’État n’a jamais encouragé le développement du marché de l’art. Ce n’est qu’à partir de 2003 que la loi Aillagon, en modifiant notamment la loi de 1987 sur le mécénat et celle de 1901 sur les associations pour développer les dispositifs juridiques et fiscaux existants, a permis des avancées réelles.
Il faudrait maintenan l’améliorer : que l’on puisse acheter des oeuvres et les donner à un musée, à une institution reconnue d’utilité publique, avec une déduction fiscale quasiment intégrale, comme aux États-Unis ! Cela donnerait une « sortie » au tableau, et une récompense financière et symbolique (celui qui a vu juste bien avant les autres) à l’acheteur-donateur qui a su prendre des risques, enrichissant ainsi les collections publiques.« Le marché de la photographie, 1919-1939Femmes collectionneuses d’art et mécènes - conférence de Julie Verlaine, 26 mai 2016 »
Tags : Julie Verlaine, histoire, galerie, art contemporain, Daniel Templon, artiste, marché de l'art
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