• L'Internationale situationniste

    L'Internationale situationnistepar Anna Trespeuch-Berthelot
    Paris, Presses universitaires de France, septembre 2015
    coll. " Hors collection"
    568 p.

    prix : 29 €
    isbn : 978-2-13-061970-3

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    L’Internationale situationniste a une postérité foisonnante. En tant que dernière avant-garde artistique, elle est aujourd’hui une matrice incontournable du monde des arts et de l’architecture. Depuis les années 1968, sa théorie critique nourrit la vie intellectuelle et les pratiques militantes. Quant à son leader Guy Debord, il est entré au panthéon français des grands penseurs contemporains en 2009. Cet ouvrage d’histoire culturelle analyse sa réception. Comment ce mouvement, qui était réduit et confidentiel à sa création et qui refusa de faire école à sa disparition, parvint-il à essaimer dans le monde entier ?
    Du vivant de l’organisation (1957-1972), les situationnistes eurent un rôle de premier plan dans la diffusion de leurs idées et de leur esthétique : ils choisirent leurs réseaux et bâtirent leur propre mythologie. En revanche, depuis sa redécouverte à la fin de la Guerre froide, la multiplicité des acteurs et des réappropriations de son héritage crée toutes les conditions d’une seconde naissance de l’Internationale situationniste.

    Table des matières

    Préface de Pascal Ory

    Introduction

    Première partie – L’IS actrice de sa réception
    Un mouvement confidentiel (1948-1965)
    Chapitre 1. Le creuset situationniste
    I. L’Internationale situationniste à la confluence de trois mouvements artistiques d’après-guerre

    II. La connexion situationniste
    III. Le premier élargissement de l’IS : vers un collectif d’artistes
    Chapitre 2. Les voies ouvertes
    I. Un foyer d’expérimentations artistiques

    II. La fragile mise en théorie
    III. La voie parallèle : l’engagement militant et intellectuel
    Chapitre 3. Forger l’identité situationniste
    I. Une organisation hybride

    II. « La première réalisation d’une avant-garde, maintenant, c’est l’avant-garde elle-même. »
    III. Une réception limitée
    Le dévoilement (1965 - 1972)
    Chapitre 4. La jeunesse : une tactique payante
    I. La nouvelle donne internationale

    II. Le tremplin des étudiants libertaires
    Chapitre 5. Une voie politique étroite
    I. L’ancrage théorique

    II. Les incursions situationnistes dans la révolte de mai-juin 68
    Chapitre 6. Les apories des années 1968
    I. L’enjeu mémoriel des années 68

    II. La dernière phase de l’IS : l’activisme politique

    Seconde partie – La réception posthume
    Chapitre 7. Les passeurs de l’ombre
    I. Les temps de la révolution imminente

    II. Les années d’hiver
    III. Les inventeurs du trésor situationniste
    Chapitre 8. Debord et sa mémoire
    I. Diffuser

    II. Prolonger…
    III. Affronter les assaillants
    Chapitre 9. La légitimation d’un mouvement subversif
    I. Les médiateurs du champ artistique

    II. Les médiateurs du champ intellectuel
    III. La patrimonialisation institutionnelle
    Chapitre 10. L’élaboration d’un mythe français
    I. Les relais médiatiques

    II. Le processus mémoriel

    Conclusion
    Annexes


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  • Histoire et conflits de mémoire en Europe 

    dossier sous la direction de Charlotte Vorms et Élodie Richard
    Vingtième siècle, revue d'histoire, n°127, juillet-septembre 2015

    numéro à découvrir sur Cairn

    ré-écouter

    La Fabrique de l'histoire sur France culture

    Il y a quarante ans, la mort de Francisco Franco ouvrait un processus de transition démocratique négocié entre le gouvernement et l’opposition antifranquiste. Il était mis fin à un régime établi une quarantaine d’années auparavant, au terme d’une guerre civile particulièrement meurtrière, déclenchée par un coup d’État militaire. Ainsi la démocratie espagnole ne rompit-elle pas officiellement avec la dictature et évita-t-elle de revenir sur les circonstances de son avènement.
    Depuis la fin des années 1990, ce « consensus transitionnel » est critiqué par les mouvements sociaux en faveur de la « récupération de la mémoire historique » et rompu par les partis qui se saisissent désormais du passé comme d’une arme politique. Ce contexte n’est pas sans conséquences sur le travail des historiens, dont les interprétations de la Seconde République, de la guerre civile et de la dictature sont au cœur des conflits de mémoire.
    Ce numéro spécial de Vingtième Siècle explore les effets de ces débats mémoriels sur la manière dont on écrit l’histoire du 20e siècle espagnol, en proposant un tour d’horizon des recherches menées depuis une vingtaine d’années.

     

    Film CHS

     

    Quelques lignes de l'introduction par Charlotte Vorms et Élodie Richard

    La genèse de ce numéro spécial remonte au début des années 2000, alors que toutes deux doctorantes, vivant à Madrid, nous fûmes témoins de l’irruption des questions mémorielles sur le passé récent dans le débat public. Ce fut d’abord la voix émue, entendue à la radio, de jeunes gens qui venaient de déterrer les dépouilles de leurs grands-pères, combattants républicains dont les restes gisaient depuis...


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  • Le Paris de la Commune -  1871

    sous la direction de Jean-Louis Robert
    avec sylvie April, Laure Godineau, Claudine Rey
    et Jacques Rougerie

    Paris, Belin, septembre 2015
    191 pages illustrées

    isbn 978-2-7011-9555-1
    prix : 28 €

    Ce livre présente Paris sous la Commune au travers d'approches très diversifiées. C'est que la Commune est fondamentalement polysémique, tant patriotique qu'internationaliste, tant républicaine que socialiste révolutionnaire ou fédéraliste, tant montagnarde que proudhonienne. La Commune quasi-libertaire de Courbet et des artistes plasticiens coexiste avec la Commune rigoureuse, voire autoritaire, du procureur Rigault. Paris n'est d'ailleurs pas tout acquis à la Commune. On y trouve aussi des indifférents, des attentistes et des adversaires, pas tous «francs-fMeurs» à Versailles.

    La Commune de Paris est souvent réduite à l'image spectaculaire et terrible des barricades et de la Semaine sanglante; mais on a aussi vécu à Paris pendant 72 jours, en 1871, une expérience au quotidien, appuyée sur la volonté de construire une démocratie active et sociale. La participation des étrangers et des femmes à la Commune, d'une ampleur inédite, est un signe que la Commune c'est aussi pour Paris l'entrée dans la modernité du xxe siècle.

    Ce livre bénéficie d'une très riche illustration, rarement éditée et provenant de collections privées.

    table des matières

    Introduction            par Jean-Louis Robert

    Première Partie •  Une révolution

    Chapitre 1.            Une histoire politique de la Commune, par Jean-Louis Robert

    Chapitre 2.            Contre la Commune, par Laure Godineau

    Deuxième Partie •  Le peuple souverain

    Chapitre 3.            La Commune et la démocratie, par Jacques Rougerie

    Chapitre 4.            Les femmes de la Commune, par Claudine Rey

    Chapitre 5.            La Commune et ses étrangers, par Sylvie Aprile

    Troisième Partie •  La Commune en actes

    Chapitre 6.            La Commune et les arts, par Jean-Louis Robert

    Chapitre 7.            La Commune et la justice, par Jean-Louis Robert

    Annexes

     


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  • Le Parti socialiste d'Épinay à l'Élysée

    sous la direction de
    Noëlle Castagnez et Gilles Morin

    Rennes, Presses universitaires de Rennes, juin 2015
    collection 
    15,5 x 24 cm • 360 p. ill. n/b

    isbn : 978-2-7535-4068-2
    prix : 20 €

    Le congrès d’Épinay en juin 1971, au-delà du mythe, inaugure une décennie exceptionnelle pour le socialisme français. Face à une droite qui lui nie toute légitimité, et à un frère ennemi communiste toujours dominateur, le Parti socialiste de François Mitterrand prône l’union de la gauche, se met en ordre de bataille… et conquiert le pouvoir en dix ans. Le rassemblement des siens et son ouverture, aussi bien aux Chrétiens qu’aux héritiers de Mai 1968, comme les contacts renoués avec le monde culturel et intellectuel, peuvent expliquer son succès qui, pourtant, n’était pas écrit. La double victoire présidentielle et législative de mai-juin 1981 a masqué les rivalités internes entre les courants et leurs animateurs (Chevènement, Rocard, Poperen…). Elle invite donc l’historien à s’interroger sur le potentiel réel de cette décennie. Les auteurs analysent la façon dont le PS s’est préparé à exercer le pouvoir à différentes échelles, du national à l’international. Et ils évaluent ses programmes, du Changer la vie (1972) au Projet socialiste (1980), au regard des nouveaux enjeux sociétaux et de la crise.

    sommaire

    • Un parti pour conquérir le pouvoir
    • Le parti socialiste et les autres
    • Un parti pour changer la vie ?

    extraits

    Le PS d'Épinay à l'Élysée – introduction

    Le PS d'Épinay à l'Élysée – auteurs

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  • Naissance de la contrainte pénale. Sanctionner sans emprisonner

    Pierre V. Tournier

    Paris, L'Harmattan, juin 2015
    Volume 1. Genèse (226 p.)
    Volume 2. Archives (221 p.)

    En application de la loi du 15 août 2014 sur l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, tout auteur majeur d’un délit, encourant une peine d’emprisonnement de cinq ans ou moins peut, aujourd’hui, être condamné à la « contrainte pénale ». Le condamné devra alors se soumettre, pendant une période comprise entre six mois et cinq ans à des mesures de contrôle et d’assistance, en milieu ouvert, ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive. C’est dans un texte publié le 1er juillet 2006 que Pierre Victor Tournier proposa la création d’une nouvelle forme de probation qu’il appellera, plus tard, « contrainte pénale appliquée dans la communauté ».

    Cet ouvrage retrace la genèse de cette nouvelle sanction et met en évidence les obstacles rencontrés par un projet qui, selon les termes d’Antoine Garapon « fait rupture, mais ne va pas intellectuellement jusqu’au bout de ses propositions ».

    Rendez-vous manqué par la Gauche ou premiers pas hésitants vers une nouvelle échelle des peines où la prison deviendrait l’alternative, en dernier recours, à la contrainte pénale pour les délits ?


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  • Drancy.
    Un camp en France

    sous la direction de Renée Poznanski et Denis Peschanski
    avec Benoît Pouvreau


    Paris, Fayard/Ministère de la Défense, avril 2015
    180x245 mm • 297 p. ill.

    ean : 9782213671130
    prix : 30 €

    En mai 1944, Louis Aragon écrivait que le nom de Drancy faisait « frémir les Français les plus impassibles d’apparence ». Aujourd’hui, sur le site du camp par lequel sont passés 84 % des déportés juifs de France, une cité HLM côtoie un wagon et une statue monumentale, en vis-à-vis d’un musée-mémorial de la Shoah. Drancy a conservé en effet sa vocation initiale de logement social tout en devenant le lieu de mémoire central de la Shoah en France.
    C’est l’histoire complète de ce lieu qui est retracée dans ce livre. Elle démarre avec le projet architectural d’avant-garde des années 1930 et les « premiers gratte-ciel de la banlieue parisienne » ; elle relate le passage par ce camp improvisé des prisonniers de guerre français, puis des civils britanniques et canadiens. Elle évoque toutes les étapes administratives et policières qui ont accompagné la création puis la vie du « camp des Juifs » et le rôle des acteurs de cette triste histoire – les Allemands, les Français ; elle décrit la vie quotidienne des victimes juives, avec ses grandeurs et ses faiblesses.
    C’est l’histoire complète de ce lieu car elle dépasse les limites du camp pour en saisir la résonance au cœur des familles juives d’internés et dans toute la France ; pour y suivre, après la Libération, les suspects de collaboration ; pour en analyser les péripéties mémorielles depuis 1945.
    C’est l’histoire complète de ce lieu, enfin, car un grand nombre d’illustrations exceptionnelles accompagnent un récit fondé sur des documents largement inédits et extraordinairement émouvants.

    Renée Poznanski est historienne, professeur au département de Politics and Government à l’université Ben Gurion du Negev (Israël). Elle est l’auteur de Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale(Hachette Littératures, 1998) et Propagandes et Persécutions. La Résistance et le « problème juif » (Fayard, 2008).
    Denis Peschanski est historien, directeur de recherche au CNRS. Spécialiste de la France des années noires, il a publié La France des camps 1938-1946 (Gallimard, 2002) et, avec Thomas Fontaine, La Collaboration 1940-1945. Vichy, Paris, Berlin (Tallandier, 2014).
    Benoît Pouvreau est historien de l’architecture, chercheur au service du patrimoine culturel du département de la Seine-Saint-Denis. Il a publié Un politique en architecture : Eugène Claudius-Petit (Moniteur, 2004) et dirigé Les Graffiti du camp de Drancy. Des noms sur des murs (Snoeck, 2014)

    extraits du livre

    L'internement de Britanniques et de Canadiens (p. 35)

    Drancy. Un camp en FranceSi Drancy fut, pendant trois mois, un camp de transit pour les prisonniers de guerre, entre-temps, une autre catégorie y avait été internée. Pour ouvrir le « camp des Juifs » en août 1941, les Allemands durent le vider des internés civils britanniques et d'une petite colonie canadienne (dont de nombreux prêtres et étudiants en théologie). De plus, des Français y étaient revenus en nombre, nous apprend un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) daté du 8 juillet 1941 : « Les internés britanniques disposaient de l'ensemble du bâtiment. Cependant, par suite de l'arrivée de 1 008 civils français de retour d'Allemagne (civils ayant par erreur été considérés comme militaires et renvoyés en France pour être libérés), les deux tiers d'une aile du bâtiment leur sont actuellement réservés. » Ils étaient encore au camp au moment de la rédaction du rapport.

    Les Britanniques et Canadiens furent emprisonnés en décembre 1940 dans un camp qui conserva le nom de Frontstalag 111, tout en devenant un camp d'internement administratif. Il remplissait donc une autre fonction puisqu'il abritait des « ressortissants de puissances ennemies ». On avait connu la même procédure pendant la Première Guerre mondiale et elle avait surtout été utilisée dès septembre 1939 quand la France et l'Angleterre avaient déclaré la guerre à l'Allemagne et que les gouvernements avaient voulu contrôler des agents potentiels de l'ennemi en les enfermant dans des camps. Pour rappel, près de 20 000 ressortis­sants allemands et autrichiens avaient été internés en France à l'automne 1939 ; la mesure ne touchait alors que les hommes. Au mois de mai suivant, quand l'offen­sive allemande fut déclenchée, les femmes connurent le même sort. Des mesures du même type furent prises aussi en Angleterre ou au Canada, puis aux États-Unis ; que les Allemands prennent des dispositions analogues contre les Britanniques et Canadiens qui n'avaient pu quitter la France à temps pour peu qu'ils l'aient sou­haité n'était guère surprenant. Leur internement à Drancy répondait donc à une logique de guerre très classique.

    Le rituel des départs (p. 131)

    Drancy. Un camp en FranceAu rituel des arrivées s'était donc ajouté le rituel de la déportation, avec ses étapes consacrées et l'habitude qui s'installa durant ces semaines d'été puisque, invariablement, trois déportations hebdomadaires étaient planifiées, toujours les mêmes jours. Pourtant, chacune de ces déportations présentait un caractère particulier. Certaines se déroulaient sous la pluie et d’autres par une chaleur écrasante. Certaines se passèrent dans l'ordre et d'autres dans des conditions de désordre inimaginables. Mais surtout, la composition des convois faisait la différence. Le 17 août 1942, Georges Horan ne décrivait plus. Il se contentait d'une phrase : « Les enfants ont été déportés - 9e déportation. » Toute autre précision était inutile, comment exprimer une telle horreur ? Le convoi du 28 août 1942, composé de 500 enfants et, mélangés à eux, des vieillards, des impotents et tous les malades qui avaient moins de 39° de température marqua plus particulièrement les esprits. Après une interruption de plusieurs semaines, les déportations de février 1943 furent particulièrement pénibles. Georges Kohn évoque des « visions hallucinantes », notamment lorsque des vieillards de l'hospice Rothschild arrivèrent au camp en vue de leur déportation immédiate. Le 13 février 1943, Röthke exigeait que 1 000 Français soient désignés pour une déportation immédiate. À 4 heures du matin, ils montaient dans les autobus en chantant La Marseillaise et le Chant du Départ. À la gare, sur ordre de Röthke, les femmes furent brutalement séparées des hommes ; or ils avaient préparé bagages et couvertures en commun. Dès lors, cette séparation s'appliqua systématiquement, dans les escaliers de départ comme dans les convois.

    Mais au-delà de ces différences, les étapes étaient les mêmes : la composition des listes, les victimes consignées dans les escaliers de départ, la tête rasée, la fouille et le départ au petit matin après avoir parfois écrit une dernière lettre.

    Les S S et la PQJ décidaient des critères à utiliser dans la composition des convois de Juifs à déporter, et le bureau des effectifs dressait les listes préparatoires. Pourtant, les différentes catégories d'internés voués à la déportation étaient élastiques. Ces listes, une fois le chiffre fixé, devaient beaucoup à l'arbitraire : l'état de santé, la qualité d'ancien combattant, la nationalité ou l'ancienneté de la citoyenneté française, les tâches accomplies dans le camp – ces critères ne jouèrent jamais de façon absolue. Les ordres de déportation arrivaient parfois à la dernière minute et la précipitation qui s'ensuivait accentuait encore le caractère arbitraire des choix opérés par le bureau des effectifs placé sous la direction de Marcel Levy-Kunzi du 5 novembre 1941 au 20 avril 1943, date à laquelle il parvint à « prouver » qu'il n'était pas juif et à se faire libérer.

    Le camp fixe (p. 147)

    Drancy. Un camp en FranceDes internés faisaient preuve d'imagination pour éclairer un tant soit peu leurs journées. Mr et Mme R. furent déportés le 21 août 1942, mais avant cette date, ils se retrouvaient au lavoir, où ils passaient des journées entières pour être ensemble devant une lessive imaginaire.

    Et puis il y avait les corvées du camp, notamment celle du nettoyage que Julie Crémieux-Dunand nous décrit dans son témoignage : « une internée de semaine jette un peu d'eau par terre, à l'aide d'une boîte de conserve percée, et va faire le simulacre de balayer car elle a en mains dix morceaux, je les ai comptés, dix baguettes de bouleau de 20 cm de long, qu'elle tient serrées dans ses doigts, manquant de ficelle pour les attacher ». Les dortoirs ne risquaient pas de briller par leur propreté.

    Avec le va-et-vient des arrivées et des départs, deux nouvelles corvées avaient fait leur apparition. La corvée des bagages, qui consistait à transporter les modestes effets des arrivants et des partants, et la corvée du Bourget, qui consistait à aller chercher les détenus d'autres camps ou accompagner ceux qui étaient déportés.


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  • La vie mène la danse

    La vie mène la danseédition établie et annotée par  Françoise Denoyelle

    Paris, éditions Textuel
    en coédition avec le musée du Jeu de Paume, mai 2015

    16x21 cm • 416 pages
    prix : 35 €
    isbn : 978-2-84597-522-4
     
     
    L’autobiographie inédite d’une artiste majeure de la photographie d’avant-garde.
    Voici publiée pour la première fois, à l’occasion de la rétrospective que lui consacre le Jeu de Paume à Paris du 2 juin au 27 septembre 2015, l’autobiographie de Germaine Krull, pionnière de la photographie d’avant-garde.
    Comme nombre de photographes de sa génération, Germaine Krull (née en 1897 en Prusse de parents allemands et décédée en 1985) a arpenté le monde au gré de ses soubresauts et de ses tumultes. Amie de Man Ray, amante d’Eli Lotar, épouse de Joris Ivens, amie d’Eisenstein, correspondante de Benjamin, responsable du service de la propagande de la France libre à Brazzaville, gérante d’un hôtel pendant près de vingt ans à Bangkok, Krull a connu mille vies.
    Esprit libre, sans véritable patrie, Germaine Krull a photographié sans relâche et s’est imposée comme une artiste des plus novatrices. Métal, livre cardinal de la modernité la consacre en 1927. Avec elle la photographie de la ville, du monde industriel, bascule dans l’univers des avant-gardes.
    Cette autobiographie, dont elle a achevé le tapuscrit à Dehra Dun en Inde le 28 octobre 1980 est une chronique du XXe siècle et de sa vie, une saga picaresque qui présente un destin de femme d’exception.

    Historienne de la photographie, Françoise Denoyelle enseigne à l’école Louis Lumière. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages dont Boris Lipnitzki le Magnifique (Nicolas Chaudun, 2013), Le Siècle de Willy Ronis (Terre Bleue, 2012), La Photographie humaniste 1945-1968, autour d’Izis, Boubat, Brassaï, Ronis (en collaboration, BnF, 2006). Très proche de Germaine Krull à la fin de sa vie, Françoise Denoyelle a mené de longues séries d’entretiens avec elle et milite depuis plus de vingt pour la publication de ce texte.

     


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  • Une histoire des garçons et des filles
    Amour, genre et sexualité dans la France d'après-guerre

    Une histoire des garçons et des fillespar Régis Revenin

    Paris, Vendémiaire
    Collection « Chroniques », mai 2015
    145 x 200 mm • 349 p. 

    isbn : 978-2-36358-174-7
    prix : 22 €

    Mai 68, une révolution sexuelle ? Serait-ce seulement à partir des années 1970 que les garçons et les filles auraient eu librement accès au plaisir ? Certes, la contraception et le droit à l'avortement ont transformé notre rapport à la sexualité. Mais les différences et inégalités de genre restent très présentes.

    Dans les années 1950 et 1960, à l'heure où les surprises-parties battent leur plein et où les magazines pour adolescents exhibent les corps des idoles, les garçons n'hésitent pas à multiplier les conquêtes. Et à s'en vanter : « J'aime les filles pour dormir ensemble une nuit ou deux. » Ou à raconter sans détours d'autres expériences : « J'aime qu'un homme m'embrasse sur la bouche »…

    Archives inédites à l'appui, cet ouvrage donne la parole aux garçons des Trente Glorieuses, et révèle que, loin des tabous et des codes traditionnels, autant que d'une innocence fantasmée, ils avaient sur le sexe, l'amour et les filles des idées bien précises. Et des pratiques plus libres qu'on ne l'imagine.

    Docteur en histoire de l'université Panthéon Sorbonne, Régis Revenin est maître de conférences en sciences de l'éducation à l'université Paris Descartes. Chercheur au CERLIS et au CHS, ses travaux portent sur l'histoire de la jeunesse et l'histoire de la sexualité.

    Table des matières

    Introduction
    L'historien, le jeune et ta sexualité • Un observatoire de l'adolescence masculine • «Votre révolution, moi je n'y crois pas»

    L'éducation sexuelle informelle
    Voir et dire les «choses du sexe» • Jeux initiatiques masculins • Surveiller et punir • Un délit d'homosexualité juvénile? • Entre éducation et perversion

    La sexualité, à l'école?
    « Faire comprendre aux jeunes gens que l'instinct sexuel est un instinct redoutable» • La mixité pour favoriser l'hétérosexualité • « Enfin, on nous parle comme si nous étions des hommes» • La volonté de savoir • « L'Éducastrons sexuelle» • Les années 1970 et la réaffirmation du discours moral?

    Séductions adolescentes
    Idoles, pin-up et « folie des grandeurs » • Beaf niks, blousons noirs, minets et zazous • « Une tendresse virile» • Le flirt, «aquarelle de l'amour» • Les lois du genre

    Amitiés et amours entre garçons
    L'invention de l'homosexualité juvénile * «Semblables aux autres hommes et noyés dans la masse » • « Nous, les pédés, nous sommes des êtres normaux » • Paris, capitale de l'homosexualité • Idéal amoureux* La drague homosexuelle et ses codes

    Coïts
    Qu'est-ce que la « première fois » ? • «Je devais être amoureuse pour ça » • Maladies vénériennes, contraception et avortement • Devenir un homme • « Comme ils l'ont fait ensemble, leurs copains peuvent jurer qu'ils l'ont vu »

    On ne naît pas viril, on le devient
    « Naturellement batailleurs, plus forts, plus entreprenants et plus hardis» • « Moi, je n'aimerais pas être une fille» • «Que le père soit son père, que sa mère soit sa mère» • «Le type méditerranéen par excellence, alangui, lent, langoureux, mollusque» • «Je veux être le Français moyen» • Filles faciles, filles sérieuses et coureurs de jupons* «Un monde sans filles ne serait plus un monde» • «La chance et l'amour m'ont souri»

    Conclusion
    Remerciements • Notes • Sources et bibliographie


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  • Écritures du feuilleton

    Écritures du feuilletonDossier dirigé par Pascale Goetschel, François Jost
    et Myriam Tsikounas 

    Sociétés et représentations
    , n° 39, juin 2015

    issn : 12622966

    isbn : 2-85944-905-1
    isbn-13 : 978-2-85944-905-6
    gtin-13 (EAN13) : 9782859449056


    Le feuilleton. Cette forme narrative, toujours ouverte, se développe et ne vit que par ce sentiment contradictoire qu'il provoque en nous de souhaiter connaître le fin mot de l’histoire, et de l’envie que rien ne s’arrête et surtout pas la vie des personnages auxquels nous nous sommes attachés. Peut-être n’a t’on pas assez remarqué que le succès grandissant des séries télévisées tient largement au fait qu’elles ne sont plus, justement, des séries, c’est-à-dire des récits fermés sur eux-mêmes, avec un début et un dénouement, mais des narrations qui comportent une part de feuilleton, au sens où chaque épisode laisse en suspens des questions qui se résoudront par la suite et fait écho à d’autres qui l’ont précédé. De l’écrit au théâtre, du théâtre aux ondes, des ondes à l’écran, grand puis petit… la fiction migre et résiste en se pliant, non seulement aux impératifs de chaque nouveau support mais aux besoins et priorités des sociétés successives. Se posent toutefois, pour l’analyste, de nombreuses questions de réécriture. Les plus saillantes sont discutées par les auteurs de ce dossier.


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  • Jean Zay
    Le ministre assassiné, 1904-1944

    Jean Zay. Le ministre assassinéAntoine Prost et Pascal Ory

    Paris, Tallandier, mai 2015
    185 x 255 mm • 158 pages illustrées

    isbn : 979-10-210-1070-3
    prix : 24,90 €

    Député radical-socialiste à 28 ans, ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts de 1936 à 1939, Jean Zay fut assassiné par la milice avant même d'avoir eu 40 ans, le 20 juin 1944. Pourquoi ce destin hors du commun, cet accès précoce à de très hautes responsabilités et cette fin tragique ?

    Pour répondre à ces questions, on retrace ici simplement et clairement la vie et l'action de Jean Zay : ses origines familiales, sa formation, son ascension politique, puis son rôle à l'Éducation nationale sous le Front populaire. Par ses projets, ses décisions, sa méthode et son style, il fut un grand ministre réformateur : classes de fin d'études primaires, sixièmes d'orientation, activités dirigées, sport à l'école, mise en réseau des centres d'orientation, création du CNRS. Chargé des Beaux-Arts, il leur donne, résolument soutenu par un mouvement de fond à la fois moderniste et démocratique, une inspiration nouvelle qui annonce les enjeux de la « Culture » d'après-guerre : réforme de la Comédie-Française, premières subventions aux « jeunes compagnies », nouveaux musées, soutien à la lecture publique, liens Culture-Loisirs, festival de Cannes…
    Après Munich, c'est dans le gouvernement l'un des ministres les plus fermes dans la volonté de résister à l'Allemagne nazie. Les collaborateurs dénonceront d'ailleurs en lui un fauteur de guerre, coupable de ne pas avoir fait la paix avec Hitler.Suprêmement intelligent et cultivé, actif, organisé, ouvert, Jean Zay tranchait sur la grisaille du personnel politique d'alors. De plus, sa réussite lui promettait un rôle majeur dans les gouvernements à venir. Mais il représentait tout ce que Vichy détestait. Aussi, après un procès proprement scandaleux, le nouveau régime le condamna-t-il à la détention à perpétuité. Emprisonné à Riom pendant toute la guerre, il est finalement exécuté au coin d'un bois.Ainsi finit tragiquement un ministre éminemment sympathique, efficace et moderne, qui avait mis en mouvement l'école républicaine et fait lever de grands espoirs.

    quelques extraits

    page 18 (La famille et la jeunesse)

    En 1916, sa composition française de certificat d'études, très patriotique, est publiée intégralement dans le Bulletin de l'Instruction publique du Loiret. De 1916 à 1918, « fils de combattant », comme il se nommera lui-même, il fabrique un journal illustré qu'il intitule Le Familier, mis en page comme un vrai journal, écrit à l'encre violette sur des cahiers d'écolier : il y traite quotidiennement, sous divers pseudonymes, de l'actualité de la guerre – qu’il suit avec une très grande attention patriotique –, mais aussi, souvent avec humour, d'événements familiaux ou locaux.

    Jean Zay. Le ministre assassiné

    Boursier, lycéen brillant, il est primé au concours général en composition française, puis l'année suivante en philosophie. Il anime un journal lycéen au titre éloquent : Le Potache bouillant. Bachelier en 1923, il choisit les études de droit et travaille comme clerc d'avoué pour les financer. En même temps, il écrit dans le journal de son père, dont il assure le secrétariat de rédaction, s'engageant ainsi dans la vie politique locale, alors même qu'il n'est pas encore électeur. Interviewé en 1937, il dira : « Le journal de mon père était un journal politique. C'est vous dire que je n'ai jamais commencé à faire de la politique. J'ai vécu dans son atmosphère et je crois bien avoir tenu ma première réunion publique à l'âge de Mans… »

    page 27

    Les débuts en politique

    De 1926 à 1928, il fait son service militaire à Saint-Avold-Morhange. Inscrit au barreau d'Orléans en 1928, c'est un avocat dont l'éloquence efficace obtient l'acquittement dans plusieurs procès d'assises difficiles. Son cabinet est bientôt un des plus actifs de la ville. Une réputation qui compte en politique.

    Jeune et brillant avocat, Jean Zay était aussi un militant républi­cain, au sens plein qu'avait ce terme depuis l'affaire Dreyfus. Très actif dans la Ligue de l'enseignement et dans celle des droits de l'homme, il avait été initié à la loge Étienne Dolet et avait adhéré au parti radical. Mais il avait surtout réanimé la Fédération des jeunesses laïques et républicaines (JLR), en multipliant les réunions et conférences dans le département du Loiret. Cela lui avait valu une certaine notoriété.

    Jean Zay. Le ministre assassiné

    La politique qui l'intéressait, c'était la grande politique, celle de l'État. Aux JLR, on discutait des principes fondateurs et de la politique nationale. La politique locale ne l'attirait pas. Sa carrière politique n'a donc pas suivi l'itinéraire classique qui conduit d'une municipalité au conseil général, puis Photo officielle de Jean Zay à la Chambre ou au Sénat. Il n'a jamais cherché à devenir conseiller municipal ou maire.

    En revanche, quand le comité radical-socialiste lui a proposé d'être candidat aux élections légis­latives de 1932, il n'a pas hésité. Sa désignation était ambiguë, car il était très jeune - 27 ans - et les caciques radicaux auraient pu préférer l'un des leurs. Mais le sortant, un modéré bien implanté, semblait difficile à battre. Les radicaux d'Orléans ne prenaient pas un grand risque en donnant sa chance à un jeune. Jean Zay la saisit, mena une campagne dynamique et fut élu au second tour d'une courte tête.

    page 41

    Le ministère de l'Éducation nationale en 1936

    Avec la constitution du gouvernement de Léon Blum, deux mois avant de fêter ses 32 ans, Jean Zay devient donc ministre de l'Édu­cation nationale et des Beaux-Arts.

    Ce n'est pas, à l'époque, un ministère de première importance ; il vient en huitième ou neuvième position dans la liste officielle, après la Marine et l'Air. Il n'est pas écrasé par des tâches de gestion : les instituteurs – moins de 150 000 – étaient gérés dans chaque département par les inspecteurs d'académie, et l'enseignement secondaire comptait environ 255 000 élèves (175 000 garçons et 80 000 filles) à la rentrée de 1936, pour un corps enseignant qu'on peut évaluer, faute de chiffres précis, à moins de 15 000 professeurs. Quant aux facultés, elles comptaient alors près de 75 000 étudiants et moins de 2 000 professeurs. L'enseignement privé était totalement indépendant ; il n'était pas inspecté, n'avait pas de statistiques à fournir, et ne recevait aucun subside du ministère, dont le budget, y compris les Beaux-Arts, représentait alors autour de 7,5 % des dépenses de l'État.

    La structure du ministère était simple, il comprenait cinq directions : le primaire, le secondaire, le supérieur, le technique et les beaux-arts. À l'échelon régional, les responsabilités des seize recteurs se limitaient en fait à l'enseignement supérieur, car les lycées étaient administrés directement de Paris. Le ministre pouvait se consacrer simultanément à l'Éducation et à ce que nous appelons aujourd'hui la Culture : les théâtres, les musées, les bibliothèques.

     

    page 131

    Une tragédie en trois actes

    Hélas, c'est la débâcle. Apprenant que la Chambre se réunis­sait à Bordeaux, Jean Zay quitte son unité avec l'accord de son chef pour la rejoindre, comme en avril pour le Comité secret. Le 17 juin, le maréchal Pétain formait un nouveau gouvernement et demandait à Hitler ses conditions pour cesser le combat. Divisé, le cabinet adopte un compromis : Pétain resterait en France pour gérer les affaires courantes, le président de la République, Albert Lebrun, et ceux du Sénat et de la Chambre gagneraient l'Algérie par Port-Vendres pour continuer la guerre. D'autres hommes politiques rejoindraient le Maroc. Dans ce cadre, Jean Zay, sa femme et sa fille embarquent sur le Massilia le 20 juin. Mais, apprenant qu'Albert Lebrun était prêt à partir, Pierre Laval lui fit une scène telle qu'il y renonça. La propagande se déchaîne alors contre les passagers du Massilia, les accusant d'avoir fui et, pour les députés mobilisés, d'avoir déserté.

    Jean Zay. Le ministre assassiné

    Cette campagne de presse haineuse ouvre le premier acte d'une tragédie. Arrivé à Casablanca, Jean Zay est arrêté le 16 août, transféré en France et traduit devant le Conseil de guerre de Clermont-Ferrand. Sa femme, restée à Casablanca, met au monde sa seconde fille Hélène dans des conditions difficiles, médecins et sages-femmes refusant d'accoucher la femme d'un « déserteur » juif.

    L'intention primitive de Vichy était sans doute de le fusiller, car l'inculpation initiale, « abandon de poste et désertion en présence de l'ennemi », était passible de mort. Elle fut abandonnée et Jean Zay condamné le 4 octobre à la déportation et à la dégradation militaire pour « désertion en présence de l'ennemi. » Une peine qui n'avait plus été prononcée depuis Dreyfus, et une condamnation aussi inique qu'absurde : il était établi qu'il avait quitté son unité de façon régulière et qu'elle était alors à 90 km au moins de l'ennemi. Mais il s'agissait de rendre présentable un règlement de comptes politique : Vichy se venge sur Jean Zay du Front populaire, de l'Édu­cation nationale et des instituteurs, des francs-maçons, des juifs, et de ceux qui, au gouvernement, voulaient résister à Hitler.

     

    page 143

    Le 20 juin 1944, trois miliciens se présentent à la prison de Riom avec un ordre de transfert à Melun, signé du directeur de l'adminis­tration pénitentiaire, un chef de la milice. Ce document a pour seule fonction de permettre la levée d'écrou de Jean Zay, car la prison de Melun n'a jamais été prévenue de ce transfert. Les miliciens le font monter dans leur voiture, prétendent le conduire au maquis et s'arrêtent dans un bois près de Cusset. Il descend, fait quelques pas ; ils l'abattent d'une rafale de mitraillette, puis le dépouillent de ses vêtements et jettent son corps dans une sorte de puits. Les démarches entreprises par sa femme auprès de Pierre Laval ne mènent à rien. Jean Zay a disparu.

     


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